2.9.05

Voici la nuit.

Armé de deux chandelles dans des globes de verre, je suis venu tout raconter. Ou si peu, je ne sais pas encore. Mais ce soir marque un début, celui d'une année d'écriture. Une autre.

Une année à Vancouver.

Devant moi, au-delà de la cour où le garage démoli a laissé un grand vide, au-delà de la rue McGill, au-delà du quartier qui surplombe le port, puis des bateaux immenses et discrets qui mouillent dans Burrard Inlet, les montagnes s'élèvent, invisibles. Invisibles mais bien là: on peut faire confiance aux montagnes. Les jours ont raccourci, elles se drapent plus tôt dans l'anonymat de la nuit. Elles retournent dans un sommeil agité; elles ne parviennent plus à bien dormir.

Une chatte miaule ses chaleurs. Le ciel? Gris sombre, sans étoile, fouillé seulement par les quatre faisceaux indiscrets des projecteurs du Pacific National Exhibition. Un endroit comme tant d'autres dans cette ville qui se veut Pacifique. Un des endroits dont j'aurai à parler peut-être. Mais ce soir je veux oublier le nom des choses.

Pas toujours facile.

Même les lumières électriques toujours allumées au sommet de la montagne, là-bas, j'en ai déjà créé comme une constellation dans ma tête, un dessin dans lequel instinctivement j'essaie de reconnaître un lézard, une araignée, un skateboard. Ce soir de nuages serait le meilleur pour parler des étoiles.

D'étoiles, de montagnes, de mers, il sera certainement beaucoup question. D'enfants, d'amours, d'espérances. De nuages aussi. Puisqu'il faut s'ancrer quelque part, c'est en eux que je place ma confiance. Dans cette contrée de montagnes et de mer, de ville, de ciel et de pluie, ils sont la certitude de cette saison qui commence, mais aussi la création fantastique, l'alchimie unique de ce paysage. Si je pouvais les lire, c'est sûrement dans leurs formes improbables que je trouverais les meilleures histoires.

Mais justement, je ne peux pas. C'est pourquoi je les aime encore mieux. Et c'est en les invoquant que j'écrirai chaque jour, ici, au pays des nuages.