6.12.05

Une image
ressurgie du passé
comme un navire émerge de la brume
je me suis vu à quatorze
quinze ans
marchant sur la rue Terrebonne
dans ce bon vieil air printemps de NDG
juste derrière cette école, là
il faisait soleil, il faisait trottoirs et gazons secs
enfin
c'était mai
le ciel bleu, le petit bout de rue voulaient dire maintenant
je ne sais plus où j'allais, je m'en fous
j'avais les cheveux encore mouillés
les cheveux longs
et je les laissais sécher au rythme de la jeunesse
je ne sais pas si j'étais heureux
mais insouciant, insouciant
oui
j'allais peut-être chez François-Éric
alors, je tournerais à droite
sur Draper sans arbres
chez Jérôme, ce serait deux rues plus loin
on passerait l'après-midi à ne rien faire
c'est parfois ainsi que naissent les amitiés

Aujourrd'hui, je me regarde de quelques rues plus loin
j'ai tourné la tête, sourcils froncés
quelque chose de curieux m'a fait regarder en arrière
comme quand on s'est senti observé
et je me vois, là-bas
une autre ville, une autre saison, un autre âge

Où était-ce, alors, tout cela?
L'aimée, les enfants, les douleurs, la quête
les maisons habitées et laissées
les espoirs
où donc était tout cela?
Ça devait bien tenir quelque part
dans un repli du regard
comme dans le gland se trouvent le chêne et deux cent cinquante ans de vies de feuilles
une existence à développer comme un bijou d'origami
petit cosmos qui n'avait pas encore fait bang
où était tout cela dans mes cheveux au vent
dans mon visage au soleil
celui dont ma tante Madeleine disait qu'il était si doux?
(mais ça, c'était déjà avant)

Il y avait déjà une histoire
il y en a toujours une
qui commence ou qui continue
comme ce jour-là
sur la rue Terrebonne