26.11.05


L'oiseau-tonnerre autrefois survolait ce pays. Quand on croyait encore en lui. Il passait peu à travers le ciel, soit par timidité, soit parce que celui qui règne ne doit pas trop se faire voir. Il doit entretenir un certain mystère. Mais quand il passait, impossible de le manquer. Difficile de parvenir à le voir cependant: une ombre seulement, parfois, était distinguée dans les nuages. C'est par le son qu'on le savait planant au-dessus des têtes. Chaque claquement de ses ailes, chaque battement produisait un coup de tonnerre, relâchait des éclairs, et la terre en tremblait. Les hommes, instinctivement, levaient un bras comme si ce geste avait pu les protéger.

Les aigles n'étaient que les éclaireurs du roi du ciel.

Il y a donc eu un autrefois où les êtres non-humains pouvaient atteindre au rang de demi-dieu. Où les êtres sans parole tenaient en respect ceux qui avaient réussi à extraire les mots des mines de l'invention. Les poètes et les sculpteurs savent de tout temps que ces jours sont passés sur la terre, et ils en avertissent parfois leurs frères et soeurs. Ils s'émerveillent devant tant de force brute, devant tant de beauté indomptable, et disent aussi de ne pas oublier. Car qui sait si les oiseaux-tonnerre ne reviendront pas cacher le soleil de leurs ailes immenses? Nous avons appris trop vite à croire que c'est à nous, humains, qu'a été remise la terre. Mais nos mains sont trop petites.

J'aimerais, quant à moi, pouvoir connaître la peur respectueuse qu'on doit à ce type d'être. Ce serait bien autre chose que la peur des truands, que la peur du semblable. Je n'aurais d'autre choix alors que de m'en remettre à Dieu. En ce sens, les oiseaux-tonnerre ne sont probablement rien d'autre que les anges qui veillent sur les terres brutes de par ici. Des anges frustes, terribles et puissants dont le seul passage inspire la crainte et l'amour de la vie. Des anges d'avant et d'au-delà la parole.