17.11.05


J'ai arpenté la nuit des villes. J'ai cherché au fond des ruelles ce que le matin ne m'a jamais apporté. L'amour. La mort. Il faut voir la mort. La peur. Le courage. La solitude.

J'aime les soleils de la nuit, qui ne flanchent jamais, sur qui on peut compter. J'aime la chaleur des autres corps. On la trouve plus facilement, la nuit. Au creux de la ville.

Un jour j'ai sauté à l'eau. J'en avais assez des choses. Même de la chaleur. Même de moi. Surtout. Et puis, là, juste de l'autre côté de la balustrade, toutes ces lumières qui bougeaient, qui dansaient. Si j'avais pu danser, moi aussi... J'ai voulu les rejoindre et j'ai sauté, tout simplement. Bien sûr, c'était une excuse, et puis après? Je ne suis pas si con, quand même. Mais j'aimais bien me dire que j'allais danser avec les lumières. C'est quand même mieux que adieu monde cruel. Évidemment, ça n'a pas marché. Je ne devais pas vouloir assez fort. C'est peut-être mieux comme ça. Mais ce moment où j'ai sauté... Pour ce moment, ça valait la peine. Je ne regrette rien. Je suis con, après tout.

J'aime les lumières de la nuit. Moins celles des tours, ce ne sont que des illusions. C'est pourquoi je les aime mieux dans l'eau. Illusions de chaleur, de belles atmosphères, de bienvenues. Mais essaye un peu d'entrer dans le lobby, juste pour la nuit. Juste pour deux heures, écoute, il pleut ce soir, j'ai besoin d'un peu de soleil. Même d'un soleil à cent watts. Essaye. Alors il reste les lumières des ruelles. Quand on est chanceux, on se trouve un petit coin pas trop dégueulasse. Mais faut pas trop regarder. Faut pas trop en demander. Juste un peu de lumière, bordel...

Il a fallu que j'apprenne à aimer le matin, finalement. À le tolérer, du moins. Assis dans mon entrée de service, pas trop près de la rue, je les regarde passer. Ça commence tôt. Ça marche vite. Je doute. Je me dis qu'ils peuvent pas tous vouloir, qu'ils peuvent pas tous y croire. C'est leur affaire. L'été, ça va bien. Le soleil se pointe deux jours sur trois, au moins. Au creux de la ruelle, on a droit à quelques rayons. Mais quand il fait gris, quand il pleut, câlisse, je me dis que j'aurais mieux fait de rester dans ma nuit. Chez moi. Et puis tous ces chars, qu'est-ce qu'ils croient. Au moins dans le noir ils nous laissent à peu près tranquilles.

Et puis le jour c'est fait pour dormir. Le jour, les lumières ne dansent pas dans l'eau.