8.11.05


D'accord: la rue Trinity, à Vancouver, est fort probablement nommée ainsi à cause du Trinity college d'Oxford (je crois). Les autres rues du coin se nomment d'ailleurs Oxford, Eton, Cambridge, McGill: hauts lieux du savoir dont on a souhaité s'approprier, en même temps que leurs noms, un peu de la renommée. Mais c'est pour parler d'église que je choisis l'image. Faut bien partir de quelque part.

(Un autre bon sujet aurait été la Sainte trinité de Plume, mais je n'y connais malheureusement pas grand chose...)

L'église, pour moi, c'est la grande église NDG, magnifique à l'extérieur, riche, froide et ratée à l'intérieur, le monument autour duquel a tourné une partie de ma jeunesse. Les séances de confession obligatoires du primaire... Le père François Couture qui venait nous chercher à l'école et nous faisait marcher jusqu'à l'église deux cents mètres plus loin. Nous nous asseoyions sur les bancs, faisions des farces en attendant notre tour, nous levions en ordre alphabétique en nous demandant ce qu'on allait dire, puis revenions. C'était faux, tellement faux. Nous étions plus impressionnés par les sinistres placards à péchés en bois sombre que par les fautes imaginaires que nous allions y avouer. Je suis certain que le père Couture n'y croyait pas plus que nous. C'était par un homme gentil, le père Couture. Nous nous sommes côtoyés dans les scouts pendant quelques années, ensuite, juste comme ça. Je me souviens de son sourire sincère. Plus tard, il a été à l'église des dominicains, sur Saint-Denis. Je l'avais rencontré par hasard un jour, et j'avais été surpris de le voir habillé en blouson, avec des bottes de cuir...

L'autre église, pour moi, c'est celle qui se trouve à Sherbrooke, juste derrière la maison de mes grands-parents. J'ai jamais été foutu de me rappeler son nom. Sainte-Jeanne-d'Arc, peut-être. J'y suis allé parfois avec grand-maman, les dimanches où j'étais là. Comme tous les enfants qu'on a emmenés à la messe, je me souviens surtout de l'endroit où se trouve l'horloge dans l'église... Mais ce lieu reste très cher à mon coeur, du moins dans son incarnation antérieure. Ce parcours: il y a d'abord la cuisine de grand-maman, avec une porte en bois. Un loquet qu'on soulève du doigt. On passe dans la grande galerie couverte, en bois peint gris: vieilles fenêtres aux carreaux ondulants, pots de peinture, plaques d'autos d'avant ma naissance. On marchait en faisant craquer le plancher pour sortir à travers une autres vieille porte dans la cour en gravelle. Et là, juste là sous l'ombre agréable donnée par des arbres, une clôture de bois marque le fond de la cour. De l'autre côté c'est le terrain de l'église avec son chemin en asphalte, son gazon bien taillé, et le bâtiment lui-même, imposant et simple à la fois dans sa proximité. Voisin. L'été, un air d'inutilité flottait tout autour.

Il y avait dans cet espace de la cuisine à l'église, un espace qui se franchit en quelques dizaines de pas, quelque chose qui m'enchantait. Peut-être cette impression de me trouver dans une autre époque, pas si lointaine mais juste assez distante pour que j'en ressente un heureux pincement au coeur. Une époque de cordes à linge, d'enfants nombreux, pas de misère mais de simplicité parfois abusive. Misère d'esprit occasionnelle qui serait venue avec une naïveté riche, importante, qui permet la foi ou la facilite. Une naïveté qui impose le respect.

Il y avait aussi, bien sûr, le son des cloches! Ici, à Vancouver, je peux dire que c'est une chose qui me manque. Et pourtant je n'accours pas à la messe quand elles sonnent! Mais le plaisir, la douceur du son des cloches, qui rythme la vie, qui saute dans l'air et s'entend chaque fois différent selon qu'il fait beau ou qu'il neige, qu'on célèbre un mariage ou une vie terminée... Ici, ça n'existe pas, exception faite de l'église italienne qui fait entendre un carillon préenregistré et quétaine. On n'est pas dans le même monde.

Inutile de dire que chez grand-maman, les cloches, si proches, devaient rythmer la vie! En tout cas, on ne pouvait pas les manquer et j'aimais être près de ce son, il y avait là-dedans quelque chose de sensuel, une présence enveloppante qui me fait penser au chat de la Géante de Baudelaire...

L'église catholique, dans son état actuel, est foutue. Mais elle a su s'inscrire dans le paysage, dans nos vies, de plusieurs façons dont certaines sont agréables et même bonnes. Et parfois, quand je pense au Québec, j'ai envie de la neige, du parler des vieilles personnes, de ma famille, de mes amis, de certaine cour en gravelle d'autrefois et du son des cloches. C'est comme ça.

1 Comments:

At 04:35, Anonymous Anonyme said...

Bonjour,

j'ai découvert votre site sur un abstract du quotidien "Le Monde" . J'aime votre écriture ( à croire que les confessions inventées ...)
et sa musique de fond.
Carine
( http://lullabyofbirdland.club-blog.fr/suspension_motion )

 

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