6.11.05

La nuit dernière j'ai eu le sentiment, un moment, que je mourais. Ça s'est passé dans ma poitrine, du côté gauche, une sorte de pincement bref mais dérangeant (bien que pas intense), et comme tout ça est arrivé dans un demi-sommeil, quand la conscience est en train d'être accrochée au vestiaire, j'ai eu peur.

Il faut dire que j'ai peur des maladies. Moi qui ne suis que rarement malade, il suffit d'une bonne grippe pour que je croie que je vais y passer, pour que je n'arrive plus à m'imaginer ce que c'était avant le mal ni à savoir qu'un après viendra éventuellement. Alors j'ai eu peur. Je me suis dit mais oui, ce n'est pas exclu, ça pourrait arriver maintenant, dans ce lit, au demi-sous-sol d'une maison de la rue Eton à Vancouver, avec Céline qui dort à côté, sans même que j'aie le temps de la réveiller. Ce sont des choses qui arrivent.

J'ai acheté le Vancouver Sun aujourd'hui, et quand je suis passé sur les pages nécrologiques, je me suis arrêté un instant, comme je le fais toujours. Encore une fois: toutes ces histoires, touchantes ou plates, peu importe. Vraies. Tristes aussi, parfois, mais pas toutes. Aujourd'hui seulement, il y avait deux mecs dans la trentaine: un cancer et une autre maladie qui n'était pas nommée mais qu'on devinait grâce à l'endroit où on demandait d'envoyer un don à la place de fleurs. Sur la photo, le gars au cancer avait un grand sourire. Trente-cinq ans, je crois. Ce sont des choses qui arrivent, voilà tout.

Bien sûr, le cancer, les maladies, sont chiantes parce que microscopiques, parce qu'invisibles. Quand on se fait bouffer par un ours, au moins, c'est de la malchance, mais on sait que c'est lui le plus fort. On comprend. Avec des petites cellules, on ne saisit pas vraiment. Mais c'est une autre histoire.

Reste que ce sentiment de la possibilité de mourir, c'est quelque chose. Je me suis senti petit, impossiblement démuni. Et puis je me suis mis à imaginer le moment où ça arrivera vraiment. Où est-ce que je serai? Avec qui? Seul? C'est un mystère qui n'a d'égal que celui de ce qui arrivera après.

Mon défi: être prêt, comme un bon petit scout que je suis demeuré. Et parlant de scouts, de scouts et de mort, je revois ces vieux magazines scouts des années cinquante qui appartenaient à mon oncle Denis, je crois, et qui venaient de France. À chaque numéro, une rubrique «Rentrés à la maison». Comme je trouve cette expression paisible, presque invitante. J'aimerais avoir ce regard et ces mots.