12.11.05

La journée se termine. Et je suis là, penché sur l'ordinateur, à flairer dans l'air de la nuit s'il ne flotterait pas un sujet, une piste, une étincelle. Mais à part le grésillement de l'ampoule, rien ne se fait entendre. À terre, sur le tapis, des livres d'enfants plus ou moins déchirés traînent, les uns par-dessus les autres. J'y vois Biboundé le petit pingouin qui fait de la luge sur le dos de sa mère, et monsieur Peureux, une espèce de tache rose tremblotante avec des pattes. Sur le banc du piano qui bloque un petit passage, une feuille attachée au masking tape proclame «Mimi only» (mais il a été rajouté «and Papa, and Maman, and Jeanne, and Renaud, and Benoît»... un club très exclusif, quoi!). Au-delà, derrière la causeuse, c'est le repaire des filles, là où elles se terrent pour jouer en parlant anglais. Remarque, elles parlent anglais dans le reste de la maison aussi, les vlimeuses.

Tant de choses dans une maison... Devant moi la coccinnelle à pitons qui dit des chiffres et chante si on a le malheur d'appuyer sur elle. Il lui manque une antenne mais elle sourit toujours aussi benoîtement. Et des chaises, et des livres, et des disques, quelques plantes, des toutous, une petite voiture, un tableau noir... Des guitares accrochées au mur. Pauvres guitares, et pauvre moi aussi, nous ne nous rencontrons plus bien souvent. Quand nous nous revoyons, c'est pour se dire les mêmes choses que toujours. Je connais des amitiés qui se sont terminées à cause de ça. Faut faire attention.

La journée se termine, les objets sont endormis. Les enfants aussi, partis chacun de leur côté au royaume des rêves. Ce sera maintenant mon tour. Qui sait si nous ne nous rencontrerons pas là aussi? Ils pourraient peut-être me réapprendre à voler. Il y a bien longtemps que je n'ai pas volé... Bien longtemps.

Bonne nuit.

1 Comments:

At 08:32, Anonymous Anonyme said...

Cela me manque à moi aussi. J'y pense souvent mais cela reste sans effet. Oh ces beaux rêves réconfortants! Qui me venaient fréquemment lorsque j'étais plus jeune. Pour échapper au monde effrayant, au réel menaçant, ou pour le plaisir tout simplement, je pouvais m'élever, pas trop haut, mais juste assez et me diriger à volonté. L'utilité (et l'importance) de tels rêves me semble évidente.

Plus tard, dans mes rêves, je ne crois pas que mes enfants m'aient entraîné de ce côté-là. Au contraire, devenu parent j'ai eu le sentiment de chausser des bottes si lourdes. Est-ce possible qu'à ce titre je me sois senti un peu responsable du fait que mes fils deviennent capables de «retomber» dans le réel, dans le monde diurne, sans se casser la gueule? En somme, et à rebours, j'ai l'impression que les enfants ont des ailes, facilement, naturellement et que nous, les parents, nous croyons chargés de leur apprendre à marcher.

Devenir parent, d'une certaine façon, c'est renoncer à sa propre enfance. Je ne dis pas cela en expert. Je constate un peu ce qui m'est arrivé (aujourd'hui mes fils sont adultes). C'est un peu désolant. Mais ce n'est pas désespérant. La guitare reste dans l'étui bien longtemps, des amitiés se délitent. Le livre de mes nuits contient de longs chapitres de pages blanches.

Et pourtant la vie n'est pas moins riche, ni la musique moins belle maintenant.

 

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