9.11.05

« Les hommes cachent si bien leur détresse. » Voilà ce que m’écrit Angèle. Elle sait lire ces choses, et moi je peux les confirmer. Oui, je sais de quoi on parle, bien que mes détresses à moi n’aient jamais été aussi profondes que celles dont elle parlait. Il y a des niveaux de détresse.

Oui, les hommes savent devenir des êtres d’illusion. Nous avons inventé le théâtre, croirait-on. Ou plutôt le camouflage. Ou plutôt la muraille, cet éternel réflexe de s’emmurailler. Élever des palissades et vivre sur ses réserves plutôt que de tenter une sortie pour aller s’expliquer. L’Europe, et peut-être les anciens mondes d’Asie avec elle, est semée de châteaux érigés par des hommes qui trouvaient probablement plus facile de crever des serfs à la tâche pour parvenir à s'installer confortablement derrière des murs, que de se présenter dans toute leur innocence, dans toute leur humanité. Mais combien ont pourri de détresse derrière leurs murs bien gardés?

Aujourd’hui, le Québec a la palme des suicides chez les jeunes. Et il n'y a pas que les jeunes. Ailleurs ça y ressemble peut-être, mais il me semble que c’est chez nous que c’est pire. Comment imaginer une chose pareille? Comment concevoir semblable détresse? Les châteaux d'aujourd’hui ont des murs plus subtils, mais tout aussi infranchissables. Le ver ronge. Quelles sont donc ces détresses au-delà de la détresse, quand on n’a même plus la force ou l’envie d’appeler au secours? Quand on préfère se laisser sombrer, même si parfois cela veut dire en traîner d’autres avec soi? Je nous vois comme de beaux mollusques qui s’affairent à créer le plus beau coquillage – le coquillage parfait. Mais voilà qu’il se referme sur nous, ce coquillage, ou alors que nous y voyons des défauts, des imperfections, et que nous décidons de ne jamais le montrer à personne, même s’il nous a coûté un temps fou et que nous y avons investi émotions et cœur. Nous plaçons la barre trop haut, et peut-être qu’il ne se trouve personne pour nous dire « C’est correct, tu as bien travaillé. Ton coquillage est beau. » Nous préférons parfois nous laisser tomber par le fond. Le coquillage descend dans un beau mouvement oscillatoire. La beauté, une dernière fois, une seule peut-être. La beauté ultime : celle que personne ne verra.

2 Comments:

At 11:32, Anonymous Anonyme said...

Lâche pas mon Chris.

 
At 04:19, Anonymous Anonyme said...

Il faut toujours faire illusion, et cela demande une telle force que parfois le courage manque. Mais il y a bien autre chose dans le coeur des hommes ...... savoir regarder l'autre et écouter.

 

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