15.11.05

Le parc Burrardview est un endroit formidable. Un endroit peu connu, qui sert les familles du quartier: les enfants viennent y jouer, les chiens y courir, les gens y marcher. Nous sommes allés y faire un tour aujourd'hui... il faisait tellement beau, pour une fois! Et je suis allé me balancer. Il y a là des balançoires comme je les aime, très hautes, de sorte qu'on peut monter à une vingtaine de pieds du sol. Et là, d'un côté, puis de l'autre, on profite, le temps d'un instant, d'une vue merveilleuse. C'est beau d'en bas aussi, mais en montant on voit un peu plus, ou alors du simple fait qu'on ne touche plus terre on se sent mieux placé.

Le terrain du parc, parsemé d'arbres, descend doucement jusqu'à Wall street. Au-delà, c'est le port, qui occupe cette partie du Burrard Inlet, et de l'autre côté de l'eau, North Van, avec ses petites maisons et ses montagnes. Nous les redécouvrions après plusieurs jours de purée de pois, les montagnes, et elles étaient froides, glacées, leurs têtes pleines de neige. Ah, respirer l'air frais et voir au loin la neige, dans ces parois montagneuses hérissées d'arbres... Je montais, je descendais, toujours sur ma balançoire. J'ai les bras faibles, alors ils commençaient à fatiguer. Un aigle est passé au-dessus de moi, s'appuyant sur l'invisible avec grâce et assurance. Ses ailes larges et puissantes se terminaient par des plumes fines, recourbées comme des cils. L'aigle: le regard du ciel.

Des nuages s'étaient encore faits prendre. Accrochés aux sommets des montagnes, ils ne parvenaient pas à retrouver le courant d'air qui les avaient traînés jusque-là. Pris dans les têtes de Grouse, de Lynn Peak et de Seymour, ils attendaient le vent plus fort qui parviendrait à les déloger.

La balançoire me donne mal au coeur, maintenant. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est toujours comme ça. Plus jeune, il me semble que ça ne m'arrivait pas: pourquoi? Alors après quelques minutes, quand la nausée m'a envahi, il a fallu que j'arrête. Je me sentais un peu comme après les brosses terribles d'autrefois, quand je respirais l'air à pleins tonneaux en espérant que la ventilation puisse faire le ménage et éloigner le mal-être dû à l'alcool. Mais évidemment, rien n'y fait que le temps. Alors j'ai gagné l'un des poteaux inclinés et me suis mis le dos dessus. Les yeux fermés à présent, le visage offert au soleil, j'ai goûté la chaleur inouïe, bienvenue.

Et puis il a fallu revenir. Marguerite avait son atelier de cirque, et je suis allé la reconduire. Dans l'édifice où ça se passe, j'ai regardé un moment ma Mimi courir de tous côtés, immergée dans le présent comme cela doit être. Les enfants sont de grands maîtres dans l'art de l'immersion. C'est peut-être pour ça qu'ils n'ont pas mal au coeur quand ils se balancent, eux?