13.11.05


C'est dans les rues de Vancouver qu'il faut chercher la beauté, ces jours-ci. Le ciel a disparu: on jurerait qu'il a fondu et que c'est son produit liquéfié qu'on reçoit sur la gueule depuis trois semaines. Nous vivons dans les nuages, dans une atmosphère sans lointain, presque sans la troisième dimension. Il paraît qu'au XIXe siècle, quand le Krakatoa a fait éruption, les cendres projetées par le volcan se sont répandues par toute la terre et ont modifié le temps pour une année. Je me suis imaginé les pauvres gens d'alors, bien souvent totalement ignorants de ce qui se passait, qui se faisaient voler leur soleil. Un an de ciel voilé, d'inquiétudes... Si aujourd'hui certains croient que la fin des temps approche, qu'a-t-on pu penser alors! Et quand enfin le ciel est redevenu bleu, que la roue des saisons s'est remise à tourner, quel soulagement on a dû connaître!

Aujourd'hui, ces inquiétudes ont disparu. Encore que, avec les changements de climat, elles repointent parfois, chez moi, le bout du nez. Mais je sais bien que la grisaille vancouvéroise n'aura qu'un temps, bien que long. Alors je regarde ailleurs.

Je regarde les arbres dessiner leur spectacle d'ombres chinoises: ils envoient au ciel de longs doigts suppliants, anguleux. Je regarde les feuilles des quelques arbres qui gardent encore les leurs, éclats de couleur presque surprenante dans ces jours en camaïeu de gris. Je regarde par terre, où les feuilles tombées brillent quelques temps encore avant de rejoindre la boue. Dans certaines rues, comme la nôtre bordée de chênes, les feuilles sont tombées brunes et ont déjà été réduites en pâtée visqueuse, glissante sous les roues du vélo. Attention. Le long des trottoirs, dans les rigoles de l'asphalte, les ruisseaux urbains courent, en ligne malheureusement trop droites, mais on prend ce qu'on a: ça nous soulève tellement, de voir couler l'eau! Et la terre gorgée a pris des tons mats, et les flaques grandissantes menacent d'engloutir ceux qui s'approchent trop. La pluie nous oblige à baisser les yeux et, bien cachés sous nos capuchons, soit nous fermons le regard en attendant que le jour s'améliore, soit nous inventons la beauté dans les choses ordinaires: notre pas qui se presse, nos chaussures mouillées, un papier dissolu (un message, une pub, un mensonge?), les changements dans le grain du béton. Les fentes des trottoirs redeviennent ces menaces que nous avions oubliées depuis l'enfance. Et soudain cette victime des sirènes de la pluie: une limace écrasée, dont les entrailles pâles viennent faire contrepoint à la surface noire. Un petit être qui, comme le ciel, a perdu aujourd'hui sa troisième dimension.

Il pleut.

1 Comments:

At 00:56, Anonymous Anonyme said...

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