20.11.05

Autrefois est un mot dangereux. Demain aussi. C'est pourquoi les rêves sont si importants. Les rêves sont toujours maintenant: ils n'admettent pas d'autre temps que l'instant même, donc ils n'admettent pas le temps. Il faudrait savoir tirer l'essence de l'instant tel qu'on le vit dans les rêves, le sortir de la nuit et de l'oubli pour en faire la pâte de notre existence. L'un des ingrédients, à tout le moins.

Quand je me rappelle un rêve, j'ai en tête une succession d'événements, mais ces événements sont tous étrangement reliés. Pas par le temps comme ils le seraient dans la vie de tous les jours, mais plutôt comme par une dimension mystérieuse. Comme s'ils étaient les multiples facettes d'un dé. Et le dé roule: impossible de dire vraiment où l'histoire commence, où elle se termine. Le dé roule, c'est tout.

J'écris. J'ai hâte de finir parce que je suis fatigué. Donc je rate mon geste: je suis déjà dans l'après, dans l'espérance du repos. Je ne suis pas tout entier dans ce que je fais. Je rate. C'est le corps, avec sa fatigue, qui empêche l'immersion totale dans l'écriture (mais c'est aussi lui qui la permet grâce aux doigts, au cerveau, etc., on peut donc se réjouir dans une certaine mesure de ce paradoxe). Dans le rêve, pas de corps, pas de temps... mais pas d'écriture non plus.

Écrire, ce serait donc comme de vouloir atteindre un état qui, s'il était possible de l'atteindre, rendrait l'écriture inutile. Étrange, non? Exercice d'équilibre entre hier et demain, entre le rêve et l'éveil, entre soi et tout. Mais il faut atteindre un équilibre qui n'est pas fait d'oppositions. Arnaud Desjardins disait dans un livre que nous sommes comme des bouteilles remplies d'eau flottant dans l'océan, et qu'il fallait parvenir à casser la bouteille pour dissoudre cette frontière que nous tissons entre nous et le monde. Je me demande seulement si, en cas de réussite, l'écriture ne serait pas réduite à des morceaux de verre tombant en spirale au fond de l'océan...