29.11.05


J'aurais aimé, ce soir, accompagner mon texte de sons plutôt que d'une image. J'aurais aimé partager avec vous les bruits qui animaient le quartier replié sur lui-même alors que j'arpentais ses rues en revenant vers la maison. La photo est bien, mais elle ne parvient pas tout à fait à exprimer la couleur de la nuit. Encore moins les sons.

Vous auriez entendu les feuilles sèches, balayées par le vent, qui râclaient l'asphalte. Dociles, elles suivaient un trajet toujours pareil, à angle par rapport au mien qui se fiait au tracé orthogonal des rues de Vancouver. Crrr... Crrr...

Deux fois, je suis passé près d'un carillon, seules voix dans la noirceur. Le premier était fait de longs tuyaux; il avait une musique solennelle. Le second faisait tinter de petites tiges qui dansaient dans le vent. Et le vent, le vent lui-même parlait, soufflait, sifflait, me racontait des histoires que je n'avais pas besoin de comprendre. Il charriait jusqu'à moi le bruit d'un avion insouciant, d'une voiture pressée. Il passait entre les branches des arbres comme la chevelure passerait entre les doigts d'une main. Il était froid.

Je voulais avoir avec moi une enregistreuse, car je me disais que rien d'autre que le son ne saurait capter efficacement cette atmosphère. Les images d'une caméra n'auraient eu qu'un effet distrayant sur ce qui se passait vraiment. Oui, j'aurais tout enregistré pour le faire rejouer comme une photo pour aveugles, comme une capsule de conservation du temps destinée à qui voudrait bien l'ouvrir.

Et voilà que tout ça est terminé. Ou plutôt, ça continue, mais pour d'autres; le témoin est passé. Moi, j'ai laissé la noirceur de la nuit pour aller me réfugier bientôt dans celle du sommeil. À vous, qui arpentez maintenant les trottoirs, à vous la nuit, à vous les feuilles, à vous le vent. À vous la froide saveur de vivre.