28.11.05

Une des visions que j'ai: je vis dans une petite maison en campagne. Le matin j'écris, et l'après-midi je coupe mon bois et m'occupe du jardin ou de la maison. Petite vie tranquille de création et d'entretien, de communion avec le monde et l'esprit. Un peu comme faisait ce poète-vigneron suisse sur lequel j'avais lu un article dans le Monde, il y a jolie lurette. Sympathique. Or, après avoir vu The End of Suburbia, je me demande si une vie de ce genre ne sera pas de toute manière inévitable. Sauf qu'il n'y aura peut-être pas de maison en campagne. Ou qu'il manquera le petit aspect romantique dont mon esprit baigne tout cela.

Car le grand bouleversement qui ne manquera pas de venir si le monde suit la courbe descendante de la disponibilité du pétrole, ce grand boulerversement aura des effets profonds. À quoi travaillerons-nous? Combien d'entre nous occupons à présent des emplois qui n'auraient plus de raison d'être dans une économie qui ne serait plus de loisirs mais de subsistance? Notre paysage de routes sous-utilisées, que deviendrait-il? Et toutes ces maisons bâties au «Parcours du cerf», une fois abandonnées, que deviendront-elles? On peut espérer que, pillées comme les pyramides d'autrefois, les matériaux qui les constituent seront au moins réutilisés. Mais que faire avec du vieux gypse et des planches de faux bois? Avec des portes d'armoire en mélamine et des planches de recouvrement en vinyle? (La fin du pétrole aurait au moins ceci de bon que ces dernières disparaîtraient probablement!)

Aurons-nous encore de quoi construire et faire fonctionner nos ordinateurs? De quoi communiquer, tenir le Web en vie par exemple? J'ai lu quelque part que Nicola Tesla avait supposément découvert une façon de capter et d'utiliser l'énergie contenue dans l'environnement, je ne sais plus s'il s'agissait de celle qui provient du soleil ou de l'électromagnétisme de la terre, ou quoi encore. Peut-être (re)découvrirons-nous cela, et que le grand bouleversement sera dévié. Mais peut-être aussi que je devrai modifier ma vision. Après tout, l'après-midi pourrait ne pas suffir pour le travail nécessaire à nourrir la famille. Le papier ira-t-il jusqu'à manquer? Alors je lancerai mes mots dans les airs, entre deux rangs de carottes, pour le bénéfice des moineaux qui, eux, ne verraient rien de changé à leur ordinaire... sauf peut-être d'être chassés plus souvent.