10.1.06

La pluie, la pluie, toujours la pluie.

Maintenant: le jolis cliquetis des gouttes, joyaux liquides, sur les fenêtres, le balcon, la gouttière du voisin.
Plus tôt: le tambourinage hors d'haleine sur le toit de l'édifice du bureau, sorte de vacarme retenu qui nous faisait garder pour nous les quelques paroles que nous avions encore le coeur à dire. Beauté? Oui. Écrasement? Aussi.
Et toutes les autres formes de parole de la pluie: murmures, cris, engeulades, soupirs, secrets, baisers. (Bien sûr, le baiser est une parole.)

La pluie. La chuva brésilienne, qu'on entend dans les chansons et jusque dans les instruments. La chuva de Vinicius, de Jobim. On l'entendait aussi, bien que peut-être plus indienne que brésilienne (mais la pluie n'est-elle pas partout la même, bien qu'elle parle différents langages?), sur ce disque fantastique du groupe de John McLaughlin, quand Trilok Gurtu nous emmenait en solo au pays des percussions, et que ce pays se transformait rapidement en une jungle foisonnante et surprenante qui bruissait du son des animaux, des plantes, du vent et de la pluie. J'avais vu le spectacle associé à ce disque, et vraiment on y goûtait l'alchimie de la musique; de l'atmosphère bleutée de la salle de spectacle, on passait à un autre monde fait d'imagination et de réalisation, et la forêt des sons devenait intime, tellement intime qu'elle évoluait pour enfin être la forêt de soi au coeur de laquelle Trilok Gurtu nous aidait à pénétrer. Et je m'imagine à distance les quelques centaines de forêts qui se trouvaient ensemble ce soir-là, et qui d'une façon ou d'une autre créaient entre elles un réseau plus grand, un continent boisé sur lequel tombait également une merveilleuse pluie percussive et mélodieuse.

La pluie française percute, la chuva brésilienne chuchote...

Ce matin, à vélo, je descendais la côte sous la pluie qui battait, et c'en devenait tellement ridicule, ces deux mois de pluie à peine interrompue, qu'il fallait faire quelque chose pour alléger l'atmosphère. Alors, je me suis mis à chanter en descendant Adanac à toute l'allure que me permettait la chaussée mouillée, et en roulant bien mes R comme les gars de Ladysmith Black Mambazo le font quand ils la chantent:

Oh
Rain rain rain rain
Beautiful rain
Oh
Rain rain rain rain
Beautiful rain
Oh come
Never come
Oh come
Never come
Oh come
Never come
Beautiful rain

Allez, de gros becs mouillés...