31.5.06

Je n'ai jamais lu Jacques Ferron. Et pourtant, j'ai appris hier quelques trucs sur lui. Qu'il était le frère de Marcelle Ferron. Qu'il a vécu dans ce qui était alors ville Jacques-Cartier, aujourd'hui Longueuil, non loin d'où se trouve ma demeure québécoise. Qu'il était médecin je le savais déjà, mais qu'il soignait pour pas cher, comme pour aider les gens, ça je l'ai appris. Qu'il a servi de négociateur, ou plutôt d'intermédaire entre les felquistes de la «cellule Chénier» et la police, lorsqu'il fut temps pour les gars de se rendre. La cellule avait apparemment été nommée ainsi, d'ailleurs, pour faire un clin d'oeil à Ferron, pour une raison que je n'ai pas comprise. Il y a, dans les archives Web de Radio-Canada, une entrevue avec Ferron où tout ça est raconté. On écoute ce bonhomme intéressant parler longuement, de façon réfléchie, de ces événements et de la place qu'il y a occupée. Une entrevue fascinante datant de 1971, où le discours est d'une lenteur, d'une gravité presque, qu'on aurait bien de la difficulté à trouver dans les médias d'aujourd'hui. Après avoir entendu ça, je voulais lire tous ces livres qu'il a écrits, ces livres aux titres botaniques... J'espère que je trouverai le temps.

Et puis vous ai-je jamais dit que j'ai fait Montréal-Rouyn en Ford Windstar en compagnie de Paul Rose? C'est une autre histoire, et pas très intéressante d'ailleurs, mais dont le sujet pique la curiosité, pas vrai!

Une autre entrevue sur les archives Radio-Can: avec la fille de Ferron. Débit terne, presque triste. Ça date des années quatre-vingt. Elle parle de son père, du personnage immense, intimidant, de son enfance, des promenades du dimanche dans les bois derrière la maison (de ville Jacques-Cartier!). Le docteur arrivait à son cabinet, paraît-il, vers les cinq heures du matin, de façon à pouvoir écrire avant que la journée de travail commence! Détermination. Respect: le mien envers un homme capable de faire ça, de lui envers son travail d'écrivain. Mais heureusement qu'il avait les dimanches pour voir ses enfants...

Et cette analyse riche de l'action des felquistes par Ferron, cela m'a touché. En 1971, quelques mois seulement après les événements, il reconnaît tout le tragique de la situation mais parle aussi objectivement de ce que recherchaient les activistes-terroristes: accélérer l'histoire. Déroulement déplorable, évidemment, des événements, mais ligne de pensée intéressante, qu'il n'est pas possible de rejeter du revers de la main pour cause de la façon dont les choses se sont déroulées. Réalisation que parfois, les mots ne suffisent plus. Mais aussi, action d'hommes jeunes, trop jeunes et trop vieux à la fois, de gars qui voulaient court-circuiter le temps et qui ont plutôt mis le feu à la baraque.

Quand j'étais petit, à NDG, il me semble me souvenir avoir entendu dire que la veuve de Pierre Laporte habitait quelques maisons plus bas, sur la rue Monkland. Je revois l'entrée, le coin de murs en briques sombres. Mais ce n'est peut-être qu'une illusion.