14.7.06

Le vent nous passera tous sur le corps. Pourquoi alors perdre son temps en guerres futiles? J'ai parfois rêvé d'inventer un nouveau principe, ou à tout le moins de voir quelqu'un l'inventer, comme jadis un seul homme (d'après ce qu'en retiennent les livres d'histoire, en tout cas) inventa la Croix Rouge. Je me disais: Si cet homme a pu créer un mouvement qui a fait valoir l'importance d'accorder des secours même au beau milieu de la bataille, pourquoi ne serait-il pas possible de créer un mouvement qui parvienne à rendre inutile les batailles en premier lieu? Ouais, je sais, c'est adolescent, romantique, etc. Mais c'est ainsi que commencent bien des grandes choses. Je n'ai rien fait pour que survienne ce mouvement, ceci dit, car je suis arrêté par le fait que je ne croie pas qu'il soit possible. Mais la personne que cette idée n'arrêtera pas pourrait bien y parvenir.

Le vent passera toujours.

Quand je me couche, ces temps-ci, je sens mon corps comme un fardeau. La fatigue, le mauvais lit y sont certainement pour quelque chose, mais il y a plus. L'âge? Peut-être. N'empêche, c'est une drôle de réalisation. Quand on parle de spiritualité, on entend souvent dire que le corps est comme un voiture qui permet à «soi» d'évoluer dans... disons... la «manifestation». Ou la création. Alors bien sûr, on pense aux petits bruits, aux réparations d'usage, etc. Mais ce n'est pas de cette façon que ce sentiment de fardeau me frappe. C'est plutôt comme la réalisation que oui, il y a cette dimension corporelle de moi, et que j'en sens les rouages soudain comme si j'ouvrais le vieux réveil-matin imaginaire de mon grand-père pour découvrir la forêt d'engrenages qui l'habite. Le tic-tac vient de gagner une dimension nouvelle. Fascinant. Sauf que le tic-tac dont je découvre l'univers ne se fonde pas sur un mécanisme qu'on peut remonter. Et c'est comme si au lieu d'entendre sonner «Maintenant, maintenant, maintenant...» (qui pourrait être la trame sonore de l'enfance), j'entendais, ou pressentais «Moins un, moins deux, moins trois...».

Et je sais que l'esprit peut venir à bout de ce mauvais calcul, qui de toute manière ne devrait même pas l'affecter. J'allais écrire que l'esprit doit être libre comme le vent, mais ce n'est pas assez. Et puis cette chanson de Nina Simone m'a sauté dans la tête comme un lapin émergeant de sous une épinette: Wild is the wind. Oui, c'est ça; pas libre: sauvage. Car l'existence sauvage ne connaît même pas le concept de liberté; elle n'en a pas besoin. Elle est la liberté, avant que le mot soit inventé, en dehors de tout mot qui tente de décrire cette idée.

Et là où il n'y a pas de mots... il n'y a pas de tic-tac.