15.7.06

Où l’on voit que la nuit trouve notre héros.

Elle n’y manquait d’ailleurs jamais, ce qui n’était pas pour déplaire au héros en question. Si la tâche lui était revenue à lui, en effet, aurait-il vraiment pu être certain de la trouver? Chaque soir? L’entreprise serait, à tout le moins, risquée. Mais heureusement, les choses étant ce qu’elles sont, notre héros n’avait même pas à retourner cette idée dans sa tête. Alors, sirotant un petit verre de rhum, il se disait en lui-même que la vie est bien faite, tout de même.

La nuit l’avait trouvé malgré la chaleur, la nuit l’avait trouvé malgré l’humide indifférence des choses. Dans cette touffeur, si l’on pouvait dire, le goût du rhum coulait à merveille, tropicalement, exactement comme une rivière se creuse un lit à sa mesure dans le terrain qui l’accueille. Et comme la rivière devient le terrain, et le terrain la rivière, le rhum devenait un peu notre héros, et inversement. La frontière entre les choses, se disait-il donc en portant attention au goût de sucre brûlé, est si relative...

Il parcourait d’ailleurs avec une certaine agilité la frontière entre veille et sommeil. Il se disait qu’en continuant ainsi un certain temps, ou même un temps certain, il pourrait devenir un funambule du somme-veille, la frontière quittant d’abord le sol (où elle ne s’était évidemment jamais vraiment trouvée, mais il faut bien respecter les images) pour s’élever jusqu’à devenir fil hautement tendu entre ces deux états de la conscience. Et notre héros de s’imaginer marchant lentement sur le filin ésotérique, glissant avec adresse un pied chaussonné après l’autre pour avancer, tout simplement, sans aucun désir de se rendre de l’autre côté.

Alors, quel désir pouvait bien agiter notre héros (pour peu qu’il connût la faiblesse d’en posséder)? Aucun, si ce n’est celui de tomber (par accident?) pour connaître dans quoi l’on chutait quand on lâchait prise, quelque part sur le chemin qui lie veille et sommeil.