8.8.06


Quoi de plus triste que des guitares silencieuses?

Les miennes sont toujours dans leurs étuis depuis le déménagement. J’ai tout de même récupéré la troisième, l’électrique, qui avait été laissée derrière, et je l’ai sortie, elle. Mais il manquait une corde, et puis j’étais fatigué, et puis j’avais un tapis à arracher...

J’aime bien ce passage d’une chanson de Moustaki -- j’aime bien Moustaki, en général, même et peut-être surtout parce qu’il fait aussi des chansons carrément mauvaises, mièvres, qu’il est humain, quoi... mais qu’il sait si bien se rattraper avec d’autres chansons tendres et belles -- qui dit que «il suffit d’une guitare ou d’un accordéon / et d’avoir en mémoire un p’tit bout de chanson». C’est vrai. Et puis, ce qu’il faut, c’est accrocher ses guitares à un clou, au mur, ou enfin les rendre visibles, les avoir à portée de main. Alors, elles réussissent à se faire rappeler à nous. Elles s’imposent d’elles-mêmes. Parfois, un son les fait vibrer, et on les entend résonner par la maison; si on a le bonheur d’éternuer près d’elles, elles nous répondent par un accord ouvert et étonnant!

Il suffit d’une guitare... mais il faut qu’elle soit disponible, pas au creux d’une prison d’oubli. Au sous-sol, la mienne n’avait pris que quelques jours à être envahie par les moisissures. L’attaquant n’a heureusement pas pu franchir la barrière de l’étui, mais inutile de dire que j’ai monté le tout au rez-de-chaussée et frotté à l’eau de javel, même si l’instrument qui reposait dans ce qui commence à ressembler à un grand tombeau noir est une vieille minoune réchappée des années 70. (Ah! Et le Charlebois de Solidaritude: «Quand je serai mort / enterrez-moi / dans un grand piano noir / comme un corbeau / do rémi fa seul / la si do / quand je serai mort». Qui a bien pu écrire ça? Ducharme?)

Au moins sont-elles là, les guitares, pour nous rappeler que la musique est possible, même si elles sont en fait superflues, même si elles ne sont qu'accessoire de la musique, enjoliveuses... mais de maudites belles enjoliveuses, parzempe!

Quand je l’ai prise l’autre jour, l’électrique, elle me coulait entre les doigts comme de l’eau. J’avais l’impression d’avoir tellement perdu, de me trouver soudain pour de vrai en face d’un amour qui n’existait plus depuis de longues années que dans l’imagination... Ce sentiment d’une certaine possibilité... mais qui demanderait de tout recommencer. Et je ne suis plus à l’étape des recommencements.

Guitares, guitares, réveillez-vous! Quand vous êtes silencieuses, je m’endors. Et il est trop tôt pour ça.