5.8.06

Il y a bien des années que je n’ai pas entendu cette chanson que chantait Reggiani.

«Où est passé Paris ma rose
la commune des sans-souliers»

Je ne connaissais pas vraiment, à l’époque, tous ces mots qu’il employait, toutes ces références à la ville mythique.

«Et le Chemin Vert, qu’est-il devenu
Lui qui serpentait près de la Bastille?»

Mais je percevais bien le sentiment, la nostalgie née de la perte d’un paysage connu, réconfortant. Nous avons tous perdu des quartiers, des boisés, des allées où nous aimions flâner, des endroits qui pour une raison où une autre nous étaient chers. Parfois, ils ne l’étaient pas vraiment, d’ailleurs, mais le devenaient rien que parce que nous les avions perdus, nous apprenant qu’un souvenir peut compter plus, d’une certaine manière, que la réalité. Nous apprenant la nostalgie.

Et je pensais à Reggiani et à sa chanson parce qu’il faisait chaud, que je travaillais dehors et que m’a échappé cette pensée: Ah, que vienne enfin l’automne!

Je me suis vite ressaisi: Christian, profite du moment présent, l’automne viendra bien assez vite, et sans l’aide de tes souhaits. Le grand moulin du temps ne s’arrête pas, tu le sais. Alors j’ai voulu aimer la chaleur; c’était quand même une journée où la chose se faisait assez bien.

J’aimais tout de même cette image de l’automne, saison rilkéenne et lainée que j’adore. Cette image de l’automne qui m’était un refuge. Je me suis dit que si les villes changent, si les quartiers passent, qu’au moins les saisons demeurent, qu’on peut compter sur elles, pas vrai? De moins en moins, justement. Quelle nostalgie, alors, naîtra, si on devait perdre complètement les saisons de jadis! Déjà que les hivers d’autrefois traversent vers le pays des mémoires, presque des mythes, que les printemps ont raccourci... Qu’arriverait-t-il si l’automne devait suivre, et exister de moins en moins? Je m’étoufferais dans ma nostalgie, et il ne me resterait plus qu’à tenter de faire des chansons pour la transmettre à d’autres, question de survivre.

«Où est passé Paris que j’aime
Paris que j’aime et qui n’est plus?»