23.1.06


Les enfants couchés tôt, je me suis retrouvé quelques minutes libre de la routine qui a creusé son chemin dans mes soirées. Mais Benoît avait du mal à s'endormir: je lui ai dit que j'irais lui jouer un peu de guitare.

J'ai honte de le dire, mais ça pouvait faire facilement plus d'un moins que je ne l'avais pas prise dans mes mains. De toute évidence, je perds tranquillement une certaine adresse, à espacer ainsi les moments où je tiens une guitare dans mes bras. Cependant, une fois que j'ai laissé tomber, comme avant d'aller dormir un vêtement usé mais confortable, ma crainte de n'être plus assez bon (ce que je n'arrive pas toujours à faire), je replonge aussitôt dans la douceur.

Je jouais trois ou quatre notes, je glissais un peu sur le manche et je recommençais. J'arpégeais la nostalgie. Quelle beauté il y a dans quelques notes pincées, dans le changement d'humeur que produit un doigt posé une case plus bas... Je baignais dans la douceur de quelques accords joués et rejoués. (Ironiquement, Jeanne s'est levée pour venir me dire qu'elle n'arrivait pas à dormir à cause du «bruit» de ma guitare, mais bon. Faut ignorer les critiques!) Je ne sais pas improviser -- du moins pas dans les règles de l'art. Mais j'aime bien jouer sans savoir où je vais, trouver des petits trucs, deux notes qui sonnent bien ensemble. Quand j'ai «découvert» un ou deux accords qui me plaisent, je les enfile et les fais sortir en loop de la caisse de ma fidèle Mansfield, achetée il y a plus de vingt ans avec David qui déjà à l'époque bénéficiait d'un prix spécial pour profs... Quelques poques ici et là, quelques égratignures, beaucoup de musique jouée, quelques voyages: c'est beau, la vie d'une guitare.

Je prends de l'avance, peut-être, puisque je joue avec l'idée que le mois de février, au pays des nuages, soit consacré à la musique. Mais ce soir, c'est elle qui est venue me chercher. Oh, pas pour longtemps, juste comme ça, comme une amie passe à l'improviste dire salut, dix minutes qui valent une heure justement parce que c'était une surprise.

Il y a un bonheur inégalé à jouer, inégalé parce qu'au plus près de l'âme, un bonheur qui peut faire pleurer. Voilà. C'est tout ce que j'ai à déclarer pour le moment, mis à part un autre mot peut-être:

Saravah !