2.4.06

Hier, c'était jour de guitare. Aujourd'hui: relent. Écho, encore. Mais hier...

C'était un de ces jours où l'instrument vous appelle -- peut-être entre autres pour la simple raison que vous ne trouvez rien d'autre à faire. Il faudrait donc ne rien trouver à faire plus souvent. La guitare est au mur; vous étendez la main et la prenez par son col fin; le métal des cordes est un instant froid, mais déjà il emprunte la chaleur de la main. Vous soulevez la guitare pour la libérer du clou; elle attend.

Il fait presque beau: vous allez vous installer sur le perron. Quatre marches en béton entre deux rampes en fer forgé à la peinture écaillée. Personne ne vous entend que les quelques passants et leurs chiens, le gazon, le rhododendron. Vous commencez avec une toune de Jethro Tull. Ah, pas aussi bien, pas aussi coulante que la jouait ce grand farfadet d'Anderson, mais quand même, depuis que vous avez acheté un bon capo et que vous pouvez la jouer dans la bonne tonalité, ça sonne quand même bien.

Les mains se réchauffent. L'esprit aussi: c'est bien. Vous commencez à vous amuser. Et puis vous ressortez une chanson composée autrefois, vous vous laissez emporter. Ça sonne pas mal, pas mal du tout, vous vous prenez à croire qu'il y a du bon stock, là-dedans. Vous en êtes certain. Une fille est partie. D'une autre il demeure un souvenir. Il y a des rêves, des questions: toutes ces choses à propos dequelles on fait des chansons. Le temps déboule; vous êtes déjà allé chercher le vieux cartable où vous conservez vos archives; les souvenirs remontent avec la musique et se métamorphosent en sentiments. Les souvenirs sont devenus maintenant.

Vous pensez à une image étrange, issue d'autrefois, une image de vous vu de l'extérieur, la guitare à la main. Vous ne savez trop qu'en faire, de cette image, mais elle vous fait du bien. Vous lisez quelques-unes de vos poésies à votre blonde, soulignant les passages qui sont bons. Elle sourit.

«je continue ma route
dans un manteau de doutes
j'ai peur de t'oublier
parfois»

Vous savez une fois encore que la chanson, que ce menteur de Gainsbourg décriait comme un art mineur, est en fait ce qui remue le plus. Vous hésitez à aller ranger votre guitare, vous voudriez faire durer ce moment, mais vos doigts sont devenus sensibles. La caresse des cordes les a mis à vif. Vous la remettez au clou. Vous souriez, vous aussi.

2 Comments:

At 22:42, Anonymous Anonyme said...

Croisé ton blog au hasard d'une ballade, j'y reviens souvent comme on s'assied dans un jardin quelques instants avant de repartir.
J'aime bien ton écriture.
À propos de la note sous le titre du blog, ...les mains qui s'ouvrent, les nôtres, celles des plantes, ...je me souviens des petits bourgeons sombres des frênes serrés comme des mains jointes, mollement, par le bout des doigts et le bas de la paume... des mains en prière s'ouvrant trés lentement... peut-être prudemment ?

 
At 02:05, Blogger Christian said...

Merci beaucoup de ton mot.
Oui, c'est vrai qu'il y a quelque chose de semblablement touchant et fragile dans la bourgeons et les mains en prière. Fragile, mais aussi fort d'une grande espérance...

 

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