26.3.06

Christian, 1988. C'est écrit à l'encre bleue sur la première page du livre. J'avais dû trouver ça à L'échange ou à la librairie de l'université. Et ce soir, déjà 18 ans plus tard, j'ai enfin vu le film.

Un pays sans bon sens. C'est bien, parce que je n'avais jamais réussi à lire le livre, qui n'est pas que le script du film, mais qui reste tout de même en grande partie dans le registre oral, c'est-à-dire qu'on y lit ce que les gens du film ont dit à la caméra. Ça se lit mal, à mon goût. Combien de fois cependant j'ai parcouru les pages, regardé les images en me demandant qui étaient tous ces gens, et quel était en bout de ligne le propos qu'on tenait ici. Ça tient en quelques mots.

«Wake up, mes bons amis !» Et pourtant... Le monde a beaucoup changé depuis 1970. Je ne sais plus si les raisons d'alors tiennent toujours. Mais les émotions, elles, ont peu changé. J'aime ce film sur l'idée du pays du Québec qui n'oublie pas de montrer que ce pays, ou enfin cette marche vers le pays (qui a changé de chemin en cours de route?), s'est faite en partie sur le dos des indiens. Tristesse d'entendre cette langue étrange parlée entre une fille et son vieux père qui tous deux parlent aussi un français tout à fait québécois. Mais pour se comprendre vraiment, ils reviennent à l'autre langue. Et cette vieille qui ne voulait pas d'une maison parce qu'elle a passé sa vie sous la tente. Ce shack qu'elle habitait, et que j'avais d'abord perçu comme un taudis, devenait, une fois l'histoire connue, un havre de résistance, de fierté, d'authenticité.

Et puis ce gars d'Edmonton parti vivre à Paris, qui racontait la perspective d'un francophone de l'Ouest... Sa honte quand, enfant, sa mère lui parlait français en public... Aujourd'hui dans l'Ouest, à Vancouver en tout cas, parler français est un gage de culture et d'ouverture au monde -- si on parle d'abord anglais, évidemment. De toute façon on n'y pense même pas, c'est chose entendue. Il y a une mesure d'hypocrisie là-dedans. Les choses ont changé, mais à quel point?

Un pays sans bon sens.