25.3.06


Vancouver, now and then.

Celle qui regarde vers le passé, c'est Choupette, la sympathique volkswagen bleu océan. Ça ne doit pas être tout à fait juste, d'appeler cette couleur ainsi, mais ça fitte bien. Utilitaire avant tout, surtout pas racée mais mignonne, toute en rondeurs et en douceurs, elle a vu du pays, l'a peut-être traversé, ne pensait probablement pas se retrouver un jour à Vancouver pour de bon, mais la vie en a voulu ainsi, et la voilà donc parquée sur la 3e avenue, devant Alsco Linen où des femmes immigrantes travaillent à la journée longue dans les vapeurs infectes de buanderie industrielle pour que tous les hôtels et commerces aient des linges bien blancs.

La coccinnelle existe toujours, par exemple, attention! Mais bon, son âge commence à la trahir, faut plus trop la pousser. Elle profite du temps qui passe comme elle le peut. L'été, c'est déjà plus facile. Elles sont encore une bonne gang comme elle à teuf-teuffer dans les rues de Vancouver, se faisant un petit signe de la tête lorsqu'elles se rencontrent. Les humains qui les conduisent vivent ici depuis assez longtemps pour s'être trouvé de beaux petits logements, des maisons peut-être. Ils se tiennent tranquille: s'ils devaient vendre ou déménager, ils seraient incapables se se loger à présent dans les mêmes conditions.

Celle qui piaffe d'impatience de se ruer vers le futur est née, de façon assez comique, dans le même pays que la petite Choupette. Elle a choisi elle aussi le bleu océan imaginaire. Elle vit dans un monde imaginaire à bien des égards, d'ailleurs, mais sur certaines choses elle n'accepte que la réalité dure, froide, qui fait du bruit et consomme de l'essence. L'espace qu'elle voue à son moteur est disproportionné par rapport au reste. À l'intérieur, elle ne veut que du cuir. Le plastique, c'est pour les chnoques (et le bois, c'est pour faire du papier ou vendre aux Américains). Elle est arrivée ici par bateau, par camion, peu importe, elle se fout du voyage. Ce qui compte pour elle, c'est de foncer. Et d'épater. Oh, elle n'ira pas bien loin, elle se promènera en ville, ira faire des tours sur l'autoroute, peut-être une escapade à Seattle. Mais quand il s'agira d'aller explorer le pays, enfin d'aller jusqu'à Whistler, elle laissera la place à la Mercedes classe M ou, allez, au Toyota Highlander. C'est pour salir, de toutes façons. L'été venu, elle se décapotera, ira attendre le long des rues de Yaletown que ses maîtres aient fini leurs sushis. Sois belle et tais-toi.

Pas de problème. Elle n'a que ça à faire, en attendant de dévaler l'asphalte. Et ça tombe bien, d'ailleurs, puisqu'on en étend des centaines de nouveaux kilomètres tout beaux, tout propres. Bientôt, elle pourra pousser jusqu'à Whistler elle aussi, si ça lui tente, et faire ça vite et arriver propre. Vaut mieux vivre à fond, de toute maniète, puisqu'on ne sait jamais quand notre allure ne fera plus et qu'on se fera remplacer par une plus belle, une plus jeune, une plus vite. C'est maintenant qui compte, pas vrai?