3.4.06


Un autre tableau à la hollandaise. Un paysage, cette fois, une scène bucolique avec ville en arrière-plan. Les grands arbres sont encore décharnés mais au bout de leurs doigts jaillit l'espoir. Juste assez pour qu'un couple d'amoureux se confie à son ombre naissante. Le ciel est fait de nuages lumineux, de brumes, de ciels, comme si la nature hésitait encore devant une main de cartes disparates. Nous sommes dans les hauteurs de Burnaby. En bas, les rues de cette ville courent vers Vancouver dont le centre-ville se dessine au loin. Au-delà ensuite, la terre semble finir bien qu'en réalité ce ne soit pas tout à fait le cas. Les zones côtières sont ainsi, floues, changeantes. À droite, passé la butte de «Burnaby Heights», émerge l'idée des montagnes. La chaîne Côtière se lève de terre à partir d'ici et, comme un travailleur fier, ne s'arrête pas avant longtemps, longtemps.

C'était un jour comme ça, aujourd'hui.

Juste derrière, il y avait un petit terrain de jeux pour les enfants. (Un homme, me voyant monté sur la poutre qui tient les anneaux pour se suspendre, m'a d'ailleurs passé en souriant un commentaire comme quoi «c'est pour les enfants, hein?») Nous avons joué là un peu, les enfants se sont balancés, ont glissé, ont boudé, ramassé des bâtons. J'ai fait tourner Marguerite et Jeanne autour de moi comme des hélices, en les tenant pas les mains. Ensuite, le coeur me levait; je suis allé m'étendre sur un banc...

Juste à côtté, un homme seul, assis, me regardait de temps à autre. Je le regardais à la dérobée. Il était barbu, silencieux, la soixantaine environ, avec un beau sourire derrière ses poils blanchis. Quelques regards échangés. Rien de plus, mais il me paraissait sympathique. Et puis il était temps de descendre la côte pour retourner à l'auto, ce que nous avons fait. Une fois les enfants assis, j'allais ouvrir la portière quand voilà mon bonhomme juste à côté. Il avait descendu la côte lui aussi pour venir me voir.

«Nous ne nous sommes pas déjà vus à Ottawa?», me demande-t-il dans un français hésitant.

«Non, non. Nous venons du Québec, mais je ne suis pas souvent allé à Ottawa.»

«Ah. Bon. Excusez-moi de vous avoir dérangé.»

«Il n'y a pas de quoi, vraiment.»

Et le voilà déjà reparti vers le haut de la côte.

C'est drôle, mais j'aurais bien aimé que nous nous eussions été rencontrés (est-ce que c'est correct, ça?) à Ottawa. J'aurais voulu parler plus longtemps à ce monsieur solitaire. De le voir repartir, je me sentais responsable de sa solitude, et cela me pesait. J'aurais aimé l'entendre raconter des histoire de sa bouche pleine de dents en métal, savourer son sourire contemplatif. Je sentais qu'on avait des choses à se dire.

J'ai raté une rencontre, aujourd'hui. C'est le secret derrière mon paysage hollandais...

2 Comments:

At 07:24, Anonymous Anonyme said...

Les paysages (particulièrement les hollandais!) ont leur secret. Belle invitation à la contemplation.

Bien sûr «que nous nous eussions été rencontrés» n'est pas correct. Ce qui m'a fait sourire ici c'est la rencontre en français d'Ottawa et de Vancouver. Ça fait voyager une langue ça!

À demain.

 
At 15:14, Anonymous Anonyme said...

Je crois bien que ce serait "que nous nous fussions rencontrés..."

 

Publier un commentaire

<< Home