3.6.06


Ce sont en quelque sorte les pigeons d'ici. Des pigeons à la démesure du paysage vancouvérois. Elles ont adopté les parcs pour installer leurs nids, elles empruntent les rues et les toits pour se promener à la recherche de leur prochaine talle de gazon à dévaster... Et comme elles sont grosses, elles ne se gênent pas. Elles te laissent des crottes de la grosseur de celles que font les chats un peu partout (ne jamais s'aventurer là où elles mangent!). Elles sont chez elles, après tout.

Je me demande où vont mourir les bernaches. C'est vrai, on les voit toujours vivantes, comme la plupart des animaux d'ailleurs. Et comme on ne fait que difficilement la différence entre un individu et un autre, ils gagnent comme un air d'immortalité. La bernache que l'on voit, c'est toujours la bernache essentielle, presque celle conçue par Platon.

Et elles, nous voient-elles comme ça, nous les humains?

Il est vrai qu'on voit aussi rarement des humains s'en aller mourir, relativement. Mais tout de même, les bernaches, que font-elles? Elles s'envolent vers un racoin pratique et à l'écart? Elles se font reconduire, comme l'admirable Narayama du film d'il y a longtemps, au lieu où les ancêtres avaient déterminé qu'il était bien de se rendre afin de soi-même pousser les portes de l'au-delà?

Peu importe, dans le fond, puisqu'il y en a toujours d'autres qui comme nous marchent tranquillement sur les rues ou, comme nous aimerions le faire, survolent doucement les paysages silencieux des forêts qui résistent encore à l'envahisseur. Ah! Puissions-nous à notre tour nous faire envahir par les bêtes sauvages! Ça nous apprendrait, un peu! Mais elles sont trop peu nombreuses, celles que nous acceptons dans nos rues et qui, de leur côté, acceptent de se tenir à nos côtés. C'est une autre richesse que nous avons perdue au fil du temps.

Le temps de la migration approche. Dans un coucou d'acier, puisqu'il nous est interdit de faire autrement, nous reviendrons au pays du départ. Les bernaches n'y seront pas aussi décontractées. Mais quand viendra l'automne, nous entendrons parfois leur cri nasillard, et nous nous précipiterons dehors pour gagner le plaisir de les voir passer au-dessus de nos têtes.