14.6.06

Il faut traquer les beautés

nos orteils utiles, sous-estimés
la pierre, tant aimée par le temps
ton regard
et la musique quand tombe le soir
une couleur : choisis-la
le mouvement d'une feuille sous le vent
qu'elle soit vive ou séchée

mais traquer : pas assez

non

il faut
il a
toujours
fallu inventer
des beautés

sinon les cris
sinon l'effroi
le désespoir
l'amputation

(il ne s'agit pas de bras ou de jambes)

pour rejoindre Dieu, le chercher
des moines assemblent leurs voix sous la voûte
inconnus
importants

un gars et une fille n'ont qu'une couverture
et leurs peaux encore chaudes
pour s'élever au-dessus du trottoir

le lièvre ne le sait pas
mais il est libre
jusqu'au moment où son cou craque
dans la bouche du renard
peut-être même plus longtemps

et celui-là ne voit pas
mais il a entendu ce que disent les choses
qui d'autre
peut en prétendre autant?

une étoile de mer mer pourpre
attend
sur les galets séchés
espère
que la mer reviendra

la beauté se prend à infiltrer
la fissure improbable
mais il est des endroits
d'où elle demeure bannie
je ne peux pas la voir dans le sang de ce père
rouge si peu longtemps
dans cette poudre mortelle qui brille pourtant
au soleil
une fois le nuage chassé
l'explosion rendue au silence

faire battre ces sons en retraite
à coup de souffle à coup d'écoute
et de gestes posés
à force
d'inventer