4.6.06

Ce que j'aime et admire des amérindiens et d'autres, les moines par exemple (qui constituent, quand on y pense bien, presque un peuple à part), c'est leur sens du sacré. Leur capacité à s'incliner, pleins de respect, devant les choses que nous tenons trop souvent pour acquises, pour nôtres. On dit que le peuple Saanich, par exemple, avait une légende concernant ses origines. Le peuple était pauvre, avait de la difficulté à se nourrir. Or, voilà que le peuple saumon s'en est aperçu et a décidé de les aider, dans un esprit de solidarité entre être vivants. Les saumons, pour sauver les hommes de la faim, leur auraient tout simplement appris comment pêcher et comment honorer les saumons en retour.

Les saumons, en faisant don de leur abondance, sauvaient les hommes, et ceux-ci apprenaient à respecter le monde et ses habitants, à en connaître le caractère sacré, à réaliser à quel point ils ne pouvaient rien faire seuls. Cette vérité, inscrite dans une légende bien plus solidement que dans n'importe quel livre, ne devait plus les quitter jusqu'à ce que le monde change, en apparence du moins, jusqu'à ce qu'on ne le comprenne plus bien. On a l'impression que le sens des choses a évolué, que tout est plus complexe ou plus simple, mais en tout cas moins magique. Et il me semble qu'on se trompe.

Pendant que les amérindiens savent peut-être encore reconnaître les choses simples et secrètes du monde, pendant que certains moines peuvent se recueillir devant la tombée du jour, la plupart d'entre nous avançons insouciants à travers les jours, certains de trouver du poisson à la poissonnerie, des fruits à la fruiterie, des viandes à la boucherie, ou encore le tout dans une méga-épicerie au coin de deux autoroutes.

Et pour cette abondance qui confine au gaspillage, nous ne savons plus comment dire merci, que ce soit à un dieu ou à un saumon.