11.6.06

L'amitié est parfois douce-amère. Et je ne parle même pas des grandes amitiés, qui se tissent avec les fils du temps ou se fondent sur l'expérience vécue, mais de celles de circonstance, faites de rencontres à l'école des enfants, puis à la piscine ou au parc, puis peut-être encore en pique-nique ou lors d'une petite randonnée.

C'est qu'un jour, il faut se quitter.

Évidemment. Il est vrai, par ailleurs, que dans le grand schéma des choses, comme on dit en anglais, il en est de même pour absolument toutes les amitiés. Pour toutes les relations, en fait. Mais l'amitié qui s'enracine, ne dirait-on pas qu'elle ne peut être défaite? Que malgré les départs, les éloignements, elle parvient tout de même à demeurer, à continuer d'exister? Alors que celles qui sont moins riches, mais pas nécessairement moins agréables, survivent difficilement à la séparation, et quand vient justement ce moment de dire adieu, on est laissé avec une tristesse, moins peut-être celle de la fin de quelque chose que celle de l'abandon d'une éventuelle ouverture sur une amitié plus grande. On reste avec un souvenir agréable, une image gaie de quelqu'un. On se demande comment cette personne sera dans quelques années, comment ses enfants auront-ils grandi. Mais on ne le saura jamais.

Il reste peut-être, tout de même, un lien discret entre nous et les autres, ceux qui sont partis. Ainsi, sur la terre, se trouverait un réseau invisible et fragile reliant tous ces être qui un jour ont fraternisé, un réseau construit à partir de bons mots et de visages souriants. Et peut-être qu'au lieu de soupirer sur le départ de quelqu'un, il faudrait se réjouir de participer à la construction d'un nouveau lien silencieux, comme un sentier broussailleux au sein d'une dimension invisible.