20.6.06

Quand je ferme les yeux et dépose mon visage dans mes mains, je vois un noir profond mais rassurant. Un noir velouté. Enfant, j'étais fasciné par le fait qu'en faisant ça, il apparaissait des couleurs dans ce noir, des étincelles mouvantes rouge-orangé qui naissaient peut-être parce que j'appuyais sur mes yeux. Je ne sais pas comment ça fonctionne. Ce soir, je ne vois que du noir.

C'est un noir reposant. Quand on y arrive tout juste, il est encore peuplé, quelques secondes, de réminiscences du monde des couleurs. On y voit des formes, des lueurs fantômatiques, sortes de daguerréotypes faits de fumée et de choses imprécises. Des souvenirs. J'aimerais dormir dans ce noir, j'aurais l'impression d'atteindre un état de sommeil profond, comme la mer à l'étale, quand personne ne la voit.

Et puis, on jurerait que le creux des yeux est fait pour recevoir les paumes. Les mains se collent, les doigts viennent enrober le front, la tête est prête à s'abandonner. J'ai déjà vu de vieilles femmes ainsi placées, dans des églises. Peut-être cherchaient-elles une forme de consolation dans ce velours que tisse la vue absente.