21.7.06

Doucement s’endort la terre
dans le soir tombant
ferme vite tes paupières
dors mon tout petit enfant

Dors en paix près de ta mère
fais de beaux rêves bleus
au matin dans la lumière
tu t’élanceras joyeux

Sur ton lit la lune pose
ses rayons d’argent
quand s’apaisent gens et choses
dors mon tout petit enfant

Je chantais à mon petit Benoît, tout à l’heure, cette berceuse russe adaptée en français. Une musique très belle, avec des tournures slaves mélancoliques.

Comme j’étais fatigué moi aussi, je me suis étendu dans le lit du petit. J’ai chanté ma chanson, que je prolonge toujours par des mmm-mmm parce qu’elle est assez courte. Benoît ne portait qu’une couche parce qu’il fait chaud, alors nous étions étendus peau contre peau, à nous regarder de temps à autre dans les yeux, pensifs et las, dans un de ces moment d’intimité inimitables.

Et puis j’ai fermé les yeux. Je ne me suis pas assoupi; je me retenais, parce que j’avais d’autres tâches à accomplir ensuite. Mais c’est comme si je m'étais donné une longueur de corde de plus, tout en m’empêchant de passer la porte du sommeil. Benoît restait calme: ce n’est qu’ensuite, quand je quitterais son lit, qu’il chignerait et se relèverait. Pour lors, il demeurait sur le dos, près de moi, tenant sa petite couverture dans une main.

Et tout à coup c’était comme si les rôles s’étaient inversés. Mes yeux fermés, le corps légèrement recroquevillé, je me sentais en sécurité, protégé par mon enfant. J’étais bien: je lui laissais la tâche de veiller. Je n’avais besoin que de sa présence près de moi pour pouvoir me laisser aller totalement. J’allais écrire «sa toute petite présence»... mais ce qui est fantastique, c’est justement que l’être a dès sa naissance toute sa présence. Ce qui change? La façon de l’exprimer.

J’ai été là une minute, tout au plus. Mais comme elle a fait du bien, cette minute, à se sentir épaulé, même soutenu. Et puis il a bien fallu se lever et poursuivre la routine. Benoît n’aimait pas être seul et, ayant rejeté sa tranquillité avec sa couverture, s’est levé lui aussi quelques fois avant de s’endormir finalement.

Il dort seul, maintenant.

Ah, comme elles sont nombreuses, toutes ces nuits que nous passons seuls!