15.8.06


Quand on revient à Montréal, il faut surprendre la beauté. Elle ne vous tombe pas dessus comme une pluie ou un matin ensoleillé, mais a tendance à se faire discrète, secrète même; elle a la grâce d’un chat qu’on aperçoit du coin de l’oeil émerger d’une ruelle.

Et puis c’est une beauté autre, construite, aménagée, apprivoisée. Je passais à vélo par-dessus le grand fleuve; un espace voué à sa contemplation m’a permis d’arrêter un moment. L’immense masse verte semblait se complaire dans l’infini de son mouvement, transportant des lambeaux d’écume grise. Mais je voyais le tout entre les barreaux serrés d’un pont, et le fleuve lui-même grondait silencieusement le long de berges toutes artificielles. L’élégante pointe bétonnée de la tour de l’horloge. Les pentes rocailleuses, à l’allure ordinaire et à l’angle étudié, des îles nées sur des tables à dessin. Toutes ces lignes droites...

En ville, le problème est de laisser derrière soi les voitures. Pas facile, mais autrement comment voir quoi que ce soit? Où je travaille, elles envahissent le paysage -- normal: tout a été construit en fonction de ça. Un immense et ridicule terrain de stationnement d’où il est prévu que le consommateur butine vers les dizaines de magasins placés tout autour. Heureusement, dans notre bout de stationnement à nous, il y a des arbres. Alors je lève un peu le regard pour voir leurs belles crinières vertes sur fond de ciel. Et le ciel ici est une prairie dans laquelle on fait de grosses récoltes de nuages, d’espace ou de pluie. Seulement, il faut lever les yeux.

On peut aussi regarder à hauteur de marche, ce que je n’ai pas beaucoup fait encore. C’est là bien sûr que se trouvent les beautés de la ville. Les joyaux cachés, poussiéreux, que même à vélo on ne peut pas voir. À venir...