20.9.05


La mer, là-bas, se voyait très bien au-delà des parcs, des jardins et des maisons opulentes. De longs bateaux marchands aux cales allégées attendaient, comme soulagés, beaux probablement parce qu'on ne les connaît que de l'extérieur. Parce qu'ils s'en vont. Plus loin encore, les montagnes, habitées de beaux quartiers agrippés à leurs flancs puis, plus haut, de forêts bien entretenues.

De retour de chez la chiro, je roulais sur la 1ère Avenue, ou Cornwall, je ne sais plus trop. Pour me rendre au pont Burrard, à la rue du même nom et ensuite par Hastings jusque chez moi. Oui, Vancouver était magnifique dans la fraîcheur d'aujourd'hui. Au-dessus d'elle, de gigantesques cumulus glissaient dans le ciel. Et pourtant, tout cela n'était rien.

Je suis arrivé à la maison. Marguerite jouait à faire glisser sur la rampe du perron une feuille de cette plante qu'on appelle "oreilles de lapin". Nous nous sommes embrassés et je suis entré. Benoît a souri en me voyant. Debout devant le piano, il faisait sa musique à bout de bras. Il s'est retourné et a souri. Puis il est redescendu sur ses quatre pattes et a commencé à gambader vers moi; une fois arrivé, il s'est relevé et a fait en sorte que je le prenne dans mes bras. J'avais encore mon casque sur la tête et mes gants dans les mains. Il a couché sa tête sur mon épaule et m'a tapoté le dos de sa main gauche pendant que je faisais de même dans son dos à lui. Ses jambes s'agitaient dans un mouvement de grimpe, comme quand on veut se réfugier en quelqu'un et qu'on sait qu'on n'arrivera pas à se blottir aussi bien qu'on voudrait. Le geste alors de se blottir devient un remplacement de cet état que jamais on n'atteindra aussi bien que l'idée qu'on s'en fait. À mon tour je souriais. Un sourire ne coûte rien, rappelle un dicton zen, mais il change la chimie du cerveau.

Je suis éternellement reconnaissant d'avoir pu vivre un moment comme celui-là.