16.9.05


Je me suis retrouvé un jour au pied de la grande pyramide de Gizeh. Ce que je voyais ressemblait assez à ce toit de garage d'une ruelle de Kitsilano. Sauf que c'était en pierre, et beaucoup plus haut, bien qu'en réalité devant cet amas incroyable il était difficile de juger de la hauteur.

Je me souviens très bien de ces énormes blocs de pierre dorés par des siècles de soleil, de cette masse pyramidale qui avait l'air, vue d'en bas, de former un mur, un énorme mur infranchissable. Tout de suite, l'envie de grimper m'avait pris, mais des pancartes interdisant de le faire, peintes à la main, étaient disposées sur les premiers rangs de pierre, et avec la quantité de gens qui tournaient autour de soi, touristes, badauds, vendeurs de tours en chameaux, on sentait que ce n'était pas la chose à faire.

Nous étions quand même allés, avec Richard, jusqu'à la troisième et plus petite des pyramides du groupe. Là, personne. Le désert qui commence. Le goût de faire quelque chose de mémorable. Alors nous sommes entrés. Il y avait une ouverture ostensiblement gossée en plein milieu de la face principale de ce tétraèdre pharaonique, un trou fait si je me souviens bien par des pillards d'autrefois. Nous avons grimpé le degré qu'il fallait pour atteindre ce trou et avons pénétré dans cette noirceur de grotte souterraine. Oui, les pyramides, ou le désir apparent de recréer au-dessus du sol les profondeurs de la terre.

Nous n'avions pas pu aller bien loin. Peut-être avons-nous fait quelques dizaines de pieds dans cette antre, soudain au frais dans le pays du soleil. Richard avait craqué une allumette et nous avions senti qu'il y avait de la vie là-dedans, insectes, chauves-souris, quelque chose. Nous ne nous étions pas éternisés. De la fraîche suffocation des entrailles d'un tombeau, nous passions à l'étouffante suffocation de cette ville-pays: Le Caire. Al Kahira.

Aujourd'hui, j'arpente les ruelles de Vancouver. Contrairement au Caire, l'air y est frais, le climat doux et, dans Kitsilano tout au moins, l'opulence dont on est entouré appelle à une certaine nonchalance. On peut y aimer sans crainte ces toits de garages en bardeaux de cèdre moussus qui rappellent parfois les pyramides. Dans l'oubli relatif des ruelles, on peut rêver au passé et même, si on est porté vers ce genre de tourment, se demander si vraiment il a existé.