17.9.05


J'étais au café aujourd'hui. Écrire. Partagé toujours entre un sentiment sincère ("je dois écrire; c'est ce que je peux apporter de bien au monde") et un autre sentiment d'incapacité à jamais pouvoir mener quelque chose à bien... dans ce domaine, du moins. Inconfiance.

Et pourtant j'ai connu quelques réussites. J'ai accompli des choses dont je suis fier. Plus d'une fois s'est levé en moi le savoir que ce que je faisais était bon, essentiel: ce que doit ressentir un arbre qui pousse et produit feuilles, fleurs, racines et fruits. Un sentiment rare, que seulement m'ont procuré aussi la musique, l'amour, les enfants. Peu de choses en somme, mais de grandes. Et pourtant, toujours, toujours, cette impression que ça ne sert à rien, que jamais rien de vraiment accompli ne pourra émerger du peu de travail que j'arrive à faire.

J'écris, l'encre coule. À la main, c'est à la fois plus vrai, plus près du coeur et toujours comme "en préparation". Comme si ce n'était pas vrai. Et pourtant... J'écris et des éclairs parfois illuminent la page. Quelques mots absolument vrais, quelques mots qui n'en sont plus mais qui deviennent autre chose, non pas création mais évocation ou invocation. Magie, quoi. Une magie si fugace cependant qu'à sa remorque toujours de trouve une question: qu'est-ce que ça vaut?

Ce temps et cette énergie que tu mets là, Christian, es-tu bien sûr de ne pas les gaspiller? Gaspiller: tu commences à vraiment comprendre le sens de ce mot, n'est-ce pas?

Oui, je crois que oui.

Et pourtant je ne peux abandonner. Alors je me demande si je ne continue que par amour-propre, par défi: ces choses qui font que l'écriture ne vaut rien. Je n'ai jamais voyagé avec la confiance à mes côtés. Elle a toujours été comme ces filles trop jolies que jadis je n'ai pas osé abordé: cercle vicieux. Et le plus vicieux dans tout ça, c'est qu'il m'est arrivé quelques fois d'apprendre que certaines de ces filles n'auraient pas détesté que je les aborde. Laisser de côté l'amour-propre. D'abord, l'amour, ça doit être sale, parfois. Et ça ne supporte pas de qualificatif.

Écriture, geste d'amour? Oui, au fond, même si elle est aussi un geste de colère, de revendication, de méditation ou d'invention. Sinon, tragédie: geste de rien.