27.9.05

No fear. No envy. No meanness.

Ce message est une gracieuseté de Bob Dylan. Lui-même le tenait d'un irlandais chanteur qui lui avait offert cette leçon comme on peut le faire à vingt ans en ayant parfaitement raison. Une leçon? Un programme, un code pour l'honneur. Oui, je regardais tout à l'heure Bob Dylan à la télé, et on voyait le New York des années 60 à grand renfort de souvenirs de personnalités du temps, la plupart sympathiques à voir comme Pete Seeger, Mavis Staples, Allen Ginsberg, l'irlandais en question et d'autres musiciens inconnus. No fear.

J'ai regardé ailleurs, aussi. Sur le lit, à côté, Céline dormait déjà. J'ai observé un moment son beau visage perdu dans le sommeil. Comme c'est tendre ce que le sommeil fait à quelqu'un; il y avait là une paix contagieuse, une douceur. J'ai souvent regardé les enfants dormir, aussi. J'aime voir leurs visages tranquilles et sans soupçons. Parfois je les ai regardés jusqu'à me sentir un peu mal: d'observateur j'étais devenu voyeur, j'avais le sentiment d'empiéter sur le peu qu'ils ont de moments privés. Je les embrassais et allais me coucher à mon tour.

La vérité, aujourd'hui (car j'ai songé ce midi que ces écrits devaient être pétrits de vérité, même d'une vérité imaginaire), ne se trouvait pas dans les nuages. Je ne sais même plus s'il y en avait. Je ne les ai pas regardés. La vérité n'était pas belle à voir. Elle était faite de trahison envers moi-même, de prostitution bourgeoise, de ce mensonge du travail fait pour la paie. Fear it is, that's driving me, I'm afraid. Étirements. Écartèlements. Serais-je devenu à mon tour cet oncle perdu dans l'étendue du cosmos, incapable de voir ce qui se trouve devant lui par peur de la grandeur effrayante du monde et de la nécessité de payer de lait, du pain, du beurre? Une guitare dans un étui empoussiéré.

Je ne sais pas ni ne veux le savoir. Je voudrais simplement ne plus penser comme ça. Je suis dur avec moi. No meanness, ça s'applique aussi à soi. No envy? Je ne m'aventure même pas sur ce chemin-là.

La vérité? Quelques corneilles qui jacassent. Le vent doux de l'automne, cet automne-ci, le combientième? Ne pas compter, surtout ne pas compter. La vérité assise sur les marches en béton qui mènent au stationnement sur la rue Alberta. La vérité en pantalon de coton, avec des bas repliés parce qu'il fait chaud. La vérité les yeux fermés, un crayon à la main. Un carnet traîne par terre. No fear, no fear.