24.9.05


Un seul petit nuage ce matin dans le ciel de Vancouver. Temps sec, temps frais, rosée matinale et ciel orange, mon capitaine. Prêts à prendre le large.

Chose promise, chose due. À 6h30, j'enfourchais la bécane, faisais mon chemin dans les rues fraîches (Eton, Kamloops, Dundas, Powell, etc.). Aux alentours du parc Oppenheimer, tout semblait calme, ordinaire, étrange. Puis Gastown, et plus loin le chic Coal Harbour où il y a bien longtemps qu'on n'a pas vu de charbon. Aujourd'hui, les tours à condos s'y font plus aguichantes les unes que les autres, et les fontaines lancent des jets qui veulent symboliser la beauté et l'opulence. Enfin, Stanley Park.

C'est de là que j'ai mis le matin dans ma boîte à images. Au loin, la silhouette du mont Baker voisinait celle d'une des grues du port. Je dis « Baker » en sentant toute la fausseté de ce nom. Un nom qui n'a pas deux siècles (deux siècles pour une montagne!), un nom d'emprunt comme peuvent l'être ceux du Colisée Pepsi ou du GM Place. Un nom qu'on achète. Si je connaissais son vrai nom, je l'utiliserais. Demain, je parlerai des vrais noms.

Dans le parc Stanley, donc. (Un parc peut s'appeler Stanley, c'est correct, un parc est une création humaine.) Il faisait encore frais, assez pour que plus loin ma gorge devienne asthmatique. Des joggeurs sautillaient le long du chemin. Vancouver, ville de jogging. Le parc fourmillait des senteurs décadentes de l'automne que je ramassais au passage, heureux et essouflé: le vent, tu comprends... Oui, le vent de dos, le vent de face, le vent fantasque et fantastique qui se jouait de moi, qui voulait m'écarter comme il l'avait fait des nuages. Le vent qui m'est rentré dans le corps pour me faire oublier je ne sais plus quoi.

Comme l'oubli peut être tendre. Ce doit être aussi ce que pensait cet homme couché sur le sol du guichet automatique où je suis entré plus tard, cet homme à la tête cachée dans un manteau, membres à demi-nus, assommé par un sommeil d'artifice. Quel était pour lui le prix de l'oubli?