21.9.05


Silences de la corneille.

Je l'ai trouvée sur Adanac, en revenant vers la maison. J'ai hésité à m'arrêter, avant de finalement ralentir, rebrousser chemin et déposer mon vélo. Voyeur de mort, je me suis approché.

Mais pas trop.

J'éprouvais un sentiment étrange à mesure que le corps noir et figé devenait plus réel, plus là, capable d'être touché, devant moi. Un vent doux faisait se lever quelques plumes, ce qui donnait à l'oiseau qui n'en était plus un un air presque vivant. j'avais l'impression qu'il allait bouger une patte et au moins gratter le sol dans un dernier effort pour avancer encore. Avancer. Mais non. Le dernier cri de cet être avait été lancé sur Vancouver.

J'ai pris quelques images. Je ne voulais pas m'éterniser. Je devenais impoli. J'ai eu une pensée pour les photographes de guerre qui fixent sur la pellicule ou, plus probablement maintenant, sur la carte mémoire, des corps humains à peine évacués par la vie... Ici, maintenant, le bec entrouvert, le corps de la corneille pensait peut-être encore à ce qu'il avait été, flottant sur l'air du Pacifique, régnant dans cette ville sans pigeons. À présent, noir, seulement noir. Virgule de malheur sur l'asphalte, trait tiré sur un bref moment à profiter de l'air, à l'emprunter, le temps seulement d'avoir transmis à d'autres le pouvoir de le faire. Étrange destin.

Je n'ai pas d'affection particulière pour les corneilles. Ce serait même plutôt le contraire. Mais, petite soeur, je t'ai souhaité bon repos.