14.10.05

Je me regardais à présent comme dans un miroir. L’être qui se trouvait devant moi me ressemblait en tous points. Je n’avais d’abord pas eu le temps de voir, mais il portait les mêmes vêtements que moi, du manteau au pantalon. La seule différence semblait se trouver dans l’état de nos affaires : mes souliers à moi étaient mouillés d'avoir trempé dans l’eau de la flaque, et sur mon manteau perlaient des gouttes d’eau, ce qui restait de la neige qui m’était tombé dessus. Les vêtements de l’homme semblaient parfaitement secs.

Délicatement, Steve me fit bouger un peu vers la pièce qui se trouvait à ma gauche. Cette pièce baignait dans un demi-jour agréable, éclairée seulement par une lampe près de la fenêtre. C’est là, dans trois grands fauteuils de velours sombre, que nous allâmes nous asseoir. Pour ma part, encore sous le choc, je ne faisais que suivre les indications de Steve. Une fois assis, je regardai de nouveau le visage de l’homme. J’essayais de le considérer comme un autre, mais la chose m'apparaissait de plus en plus difficile à mesure que je découvrais son apparence. Au coin de son œil droit, je distinguais maintenant une petite cicatrice dont la mince ligne blanche était devenue visible à la lumière de la lampe : la blessure que je m’étais faite trois ans auparavant en cassant la fenêtre d’une église abandonnée où je voulais entrer. Instinctivement, je portai mes doigts à cet endroit près de mon œil. Assis, l’autre restait immobile, se contentant de me dévisager. C’est finalement Steve qui brisa le silence.

-- Pat, voici le moment que tu attendais. Tu peux…

-- Je ne m’appelle pas Pat.

-- Ici, oui. Laisse-moi terminer ce que j'ai à te dire. Tu peux poser une seule question. Après ça, on n’aura plus grand temps. On va refaire à l’envers le chemin qui nous a menés ici, et on va retourner à la ruelle.

Il posait sur moi un regard tendre mais ferme. Je ne comprenais pas bien ce qu’il voulait de moi. C’est lui qui m’avait emmené ici, après tout. Pourquoi me faire faire tout ça? Qu’est-ce qu’il en retirait, lui? Son visage était calme. Il ne semblait rien attendre ni ne chercher à obtenir quoi que ce soit. Je me replaçai dans le fauteuil et dévisageai l’autre à nouveau. Une question et je l’entendrais parler, une question et je pourrais savoir qui il était, pourquoi nous nous rencontrions. Une seule question…

(à suivre)