2.5.06


Connaissez-vous le camas? Moi non plus. Enfin, je ne le connaissais pas jusqu'à il y a une demi-heure.

C'est une plante à bulbe, cousine du lis. Et cette plante autrefois poussait en grand nombre dans les prairies de l'ouest du continent et dans les terres des environs de l'actuelle Vancouver. Il y a deux camas, un blanc et un bleu: seul ce dernier est comestible. Et c'est bel et bien pour le manger que les peuples autochtones le récoltaient. On dit que les ours aussi l'aiment bien.

Le camas était apparemment une des bases de l'alimentation des Indiens de par ici, un peu comme la pomme de terre de par chez-nous. Les bulbes étaient sortis de terre à l'aide d'un bâton, rassemblés et cuits dans un four fait à même le sol. Une fois cuits, les bulbes pouvaient être mangés tout de suite ou conservés pour plus tard, pour l'hiver par exemple. On pouvait aussi en faire de la farine pour des mixtures de toutes sortes.

À Victoria, le parc de Beacon Hill est un des joyaux de la ville: un petit bout de nature qui donne sur la mer, avec l'incroyable chaîne des monts Olympic au loin. C'est un vieux parc, délimité dès les débuts de la ville, il y a environ 150 ans. Mais durant des centaines d'années auparavant, c'est aussi l'un des endroits où les femmes Lekwungen venaient récolter le camas. Elle remuaient la terre de la colline pour dénicher ces petites boules brunes qui allaient contribuer à nourrir leurs familles.

Il est difficile d'imaginer le mode de vie répétitif, rond comme la terre, qu'ont connu tous ces peuples. Des générations sans nombre d'hommes, de femmes et d'enfants accomplissant à peu près les mêmes gestes aux mêmes moments de l'année, chaque cycle de mois n'étant ni plus ni moins qu'une autre perle semblable sur le collier infini de l'histoire de la vie. À Penawen, il fallait récolter le camas (et pourtant, il avait bien fallu qu'un jour, on découvre le camas... Mais tout cela était loin, tellement loin que le souvenir ne parvenait plus à s'y rendre et que seuls les mythes en conservaient la trace.)

La vie était tellement ronde que la mort le devenait aussi. Et sur la colline qui allait devenir Beacon Hill, tout près de l'endroit où les femmes venaient libérer du sol l'énergie contenue dans quelques bulbes, on avait formé la coutume de déposer les morts. Placés dans des trous qui faisaient face à la mer, on les recouvrait de terre et on déposait par-dessus des roches en signe de souvenir. Plusieurs roches, placées de façon à former un cercle.

Et au printemps suivant, on faisait à nouveau émerger les bulbes de camas.