22.4.06

Rêve imaginaire


Nous étions au bord de la mer, à l'endroit exact où mon grand-oncle s'était noyé des années auparavant (ce que j'avais compris sans que personne ait eu à me le dire). C'était en fait la première fois que nous retournions à cet endroit, où tant d'étés avaient été passés, depuis le tragique accident. Mais moi, bien que j'aie évidemment déjà été présent à l'époque, je ne me souvenais de rien. La mer était chaude, c'était l'été, et les jours se passaient d'abord en baignades dans la baie et en pique-niques dans les prés qui venaient se dissoudre là où commençait la plage. Il y avait une grande maison qui, avec le ciel bleu à perpétuité, semblait être la seule chose qui se trouvait au-dessus du sol. Le silence y régnait; même le vent, qui pourtant passait la journée à souffler à travers les portes et fenêtres entrouvertes, n'y faisait aucun bruit. Je me rendais compte soudain que lorsque j'essayais de parler, aucun son ne sortait de ma bouche. Dans cette maison, tous les autres semblaient se comprendre rien qu'à se regarder, profitant d'une connivence qui n'avait pas besoin de mots pour s'exprimer. J'observais leurs discussions qui, pour silencieuses qu'elles étaient, n'en paraissaient pas moins intéressantes ou même drôles pour ceux qui y prenaient part. Parfois un visage se retournait vers moi, me regardait un instant en souriant, puis revenait à sa position première sans changer d'expression, de sorte que je n'étais même pas certain qu'on m'eut vraiment remarqué.

Et puis je me suis trouvé sur la plage à la nuit tombée. Je sentais, sans la voir, la maison derrière moi, et je percevais aussi que les discussions y continuaient, qu'on y avait allumé les lumières contre la nuit précoce. Il en émanait une chaleur qui se perdait dans l'espace avant qu'elle pût se rendre jusqu'à moi qui n'étais pourtant pas bien loin. Je regardais au loin et tout à coup, deux yeux émergeaient de l'eau. Je ne sais pas s'ils étaient reliés à une tête, à un corps, je ne voyais que ces deux yeux, et avant de vraiment savoir s'ils étaient effrayants, s'ils avaient en eux une quelconque expression, j'avais peur d'eux, de ces yeux, je n'étais pas capable de soutenir leur regard car, chose certaine, ils me regardaient. Je me retournais et courais dans l'espoir de revenir à la maison, mais voilà qu'autour de moi il n'y avait que la nuit, la maison n'était nulle part, le vent soufflait sans faire de bruit. Je sentais bien que quelque part, non loin, se trouvait toujours la réunion animée et silencieuse de ceux avec qui j'étais venu ici, mais je ne pouvais pas les trouver, j'étais seul et ne pouvais que courir dans la nuit, fuyant l'étendue de la mer pour me perdre dans celle des champs qui avait au moins l'avantage de n'avoir pas de profondeur...

1 Comments:

At 06:27, Anonymous Anonyme said...

L'idée d'un conte qui commence avec «j'essaierai. J'essaierai...» (avant-hier) est fascinante. J'ai l'impression d'en lire la suite ici.

À demain.

 

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