18.4.06

Je commence à sentir qu'une fois de plus, je veux m'échapper. Je ne sais pas encore comment, ni vers où, mais la chose est là, comme un coin placé dans une fissure du roc. J'attends la pluie qui me fera gonfler.

Le problème, c'est que j'ai toujours attendu après quelque chose. C'est peut-être ainsi que je fonctionne. J'avoue que j'aimerais mieux être du type décideur, sans peur et sans reproche, et au diable les conséquences... mais je suis autre. Alors je me positionne et j'attends, comme un insecte qui aurait subi une métamorphose non pas du corps, mais de l'intention.

J'ai des pistes. J'ai toujours été très bon avec les pistes. Enfin, disons pas mal bon. Prendre la décision: voilà ma faiblesse. Et pour quelqu'un qui cherche à s'échapper, c'est tout un handicap. Mais s'échapper n'est peut-être pas le bon mot. Migrer? Évoluer? J'avance selon la courbe infinie d'une spirale, me rapprochant à petits pas du but mais sans jamais l'atteindre. Et je continue à faire confiance à la géométrie... tout en possédant un instinct qui me dit que mon chemin à moi n'a pas nécessairement cette forme. Est-il plus droit, suit-il une autre courbe? Je n'en sais trop rien, mais je cherche le court-circuit, l'embranchement par moi créé qui me fera quitter la voie spirale pour trouver celle, mois parfaite peut-être mais plus vraie, qui m'appartient.

Je veux surgir.

Sur le petit érable dans le jardin d'en avant, je regardais ce matin les nouvelles feuilles, à peine libérées de leurs bourgeons, et leur mystère me prenait comme jamais. Qui eût pu dire que ces petites formes dures et rebelles qui avaient franchi l'hiver cachaient tant de matière, et surtout tant de fragilité? Mais cette fragilité regorge d'intention: elle est organisée, non pas fripée mais repliée savamment, prête à bondir sans perdre trop de temps pour ne pas concéder une minute de faiblesse de trop à qui voudrait en profiter. Ces petits bouts d'émergence qui viennent par quatre connaissent le pouvoir de l'équipe pour faciliter le passage à travers les moments critiques. Mais surtout, ils ne connaissent pas l'hésitation, ou alors s'en défont dès qu'ils le peuvent, comme ils font avec les pans maintenant inutiles des bourgeons.

Pourquoi ce sentiment de n'être pas parvenu encore à émerger tout à fait? Et comment le vaincre? Me voici, cherchant le soleil, les deux pieds enserrés par la terre. Peut-être même plus que les pieds: mais je n'ose pas abaisser le regard pour m'en rendre compte, par peur d'une déception et par désir de conserver quelques illusions auxquelles apparemment je tiens ferme. Comme il fait beau. Tiens, la vue doit être magnifique de là-bas, mais... non, c'est aussi bien ici, après tout, quelle différence? La vue est très bien d'ici, très bien. Ils sont beaucoup qui n'en ont pas une aussi belle...

Émerger.