19.4.06

Bagatelles

Uisge beatha: l'eau de vie. Ah... Chaleur, force, introspection. Élixir -- sinon de confiance, au moins de bien-être. Un peu comme Vrksâsana, la posture de l'arbre. Comme je l'aime, celle-là, qui fait se tenir haut et droit, et vibrant comme un peuplier! Et quand un même jour fait se rencontrer yoga et whisky, sanscrit et gaélique, on peut dire que nous sommes vraiment dans un monde de métissages!

J'ai passé de nouvelles heures assez inconfortablement assis sur une chaise de bureau recouverte de tissu gris. Je dois me sortir de là, à tous les niveaux.

La bouteille de verre qui se tient là-bas, en décoration sur la cuisinière, est une énigme. Trouvée dans l'espace en terre qu'il y avait directement sous le plancher du 4421 Rivard, elle porte, coulés en elle, les mots «Vin au quinquina». Je n'en saurai jamais plus, mais quelle beauté dans cette matière inégale, pâte durcie à une autre époque, dans ces courbes où court juste un peu de vert...

Et la pluie, ce matin, était fantastique. Pluie sur le coeur, déclencheuse d'odeurs par les rues de Vancouver; comme il était bon de rouler sur l'asphalte mouillée, de fendre l'air humide, de connaître le vrai visage du jour.

En revenant ce soir, le quartier était plein de couples qui se rendaient vers le Pacific Coliseum. Les hommes portaient immanquablement un chapeau de cowboy et des bottes de cuir pointues (certaines avec le bout recouvert de métal), au talon penché vers l'avant. Ça doit être le concert de Brooks and Dunn: j'avais vu deux immenses camions à leurs noms avant-hier.

Je me laisse pousser les cheveux.

Le country ne me dit rien, mais j'ai déjà possédé une cassette de Willie Lamothe. Il y avait quelques bons trucs, mais je ne peux pas dire que je m'en ennuie. J'aime bien le peu que je connais de Johnny Cash. Mais c'est une histoire de gênes, cette musique, ou alors d'enfance. On ne vient pas au country, on dirait qu'il habite ceux qui l'aiment depuis toujours.

Dans le journal d'aujourd'hui, il y avait des histoires de meurtres horribles. C'était plein. Que de familles et de vies bouleversées en une fin de semaine. Que de vies terminées, aussi, fragiles qu'elles étaient, comme un glaçon en plein réchauffement climatique. Mais plutôt que de simplement fondre, elles ont vu un pan d'iceberg leur tomber dessus. Le lien entre toutes les histoires lues aujourd'hui: les meurtriers étaient tous connus comme de ben bons gars. D'où vient cette violence?

Dante et Virgile viennent d'entrer au Purgatoire. Je dois aller les y accompagner: sans moi, ils ne réussiront pas à continuer leur route.