10.5.06

On fait de drôles d'associations, dans sa tête, parfois. On m'a récemment demandé de parler d'autres blogs, et j'ai tout de suite mentionné Oblivio, de Michael Barrish (http://oblivio.com/). Peut-être pas mon maître à bloguer, mais certainement un parrain (The Blogfather), puisque c'est en partie le fait d'avoir lu ses textes et plongé dans son environnement qui m'a encouragé à faire ce que je fais en ce moment.

Et puis, en allant lire de vieux textes sur Oblivio, je suis tombé sur une drôle d'histoire où il raconte ses premières masturbations. C'est très rigolo, tendre et ridicule à la fois, ça s'appuie entièrement sur le non-dit pour produire son effet. Ce cher Michael, que je ne connais pas du tout par ailleurs, joue sur de nombreux registres, et très bien à part ça. Un bel esprit bien allumé. Et puis tout ça m'a fait penser à Proust, qui lui aussi raconte les masturbations de son narrateur dans des pages géniales où tout est tissé de sous-entendu et serti de métaphores (pas mal, quand même!). Chez Michael, on sait seulement qu'un coussin est associé à l'activité mystérieuse, tandis que chez Marcel, la scène se passe au grenier par un après-midi ensoleillé, on sent la chaleur étouffante, on entend presque, dans l'atmosphère lourde de secret, le plancher craquer au moment où le jeune explorateur ne le veut pas...

Mais rassurez-vous, chers lecteurs, je ne m'aventurerai pas ici sur ce terrain. En fait, je voulais au départ parler de tout autre chose, car je suis tombé par hasard sur l'album de photos de bébé de Marguerite, ma petite Mimi qui a sept ans maintenant. Et la distance commence à être assez grande pour que non seulement je m'émerveille de ce petit être alors inconnu, mais aussi pour que je commence à remarquer que moi aussi, j'ai changé! On ne me voit pas de cheveux gris, je porte mes lunettes rondes d'autrefois, j'ai les joues un peu plus rondes, plus lisses... Mais basta! Je voulais avant tout qu'il soit question du bébé!

C'est émouvant, de revoir ces photos auxquelles on ne jette que rarement un coup d'oeil. Un y voit un petit être aux yeux fermés qui ne sait pas trop ce qui lui arrive, puis un bébé joufflu, les yeux ronds d'étonnement devant l'appareil-photo, ou au contraire tranquillement affairé à disséquer l'emballage d'un cadeau. On y voit ensuite une toute petite fille qui regarde d'un air interrogateur le capteur de souvenirs...

Il faut repenser à ces temps des débuts, où l'un ne connaît pas l'autre, où les parents se retrouvent avec un petit inconnu dans les bras, sans savoir encore que le travail de leur vie consistera à le connaître, à l'apprivoiser, à l'épauler (parfois d'un bon coup d'épaule, soit dit en passant... hum).

Tels ils furent tous, les miens. Et comme il devient facile d'oublier tout ça quand à la longue on s'habitue à la présence de l'autre et que chaque nouvel apprentissage fait de l'histoire ancienne avec le jour d'avant! Je ne me souviens plus de ces petits trucs qui nous faisaient rire, de ces faits cocasses qu'on racontait à nos parents au téléphone. Il ne reste de tout cela que quelques photos, quelques notes ici et là.

Bien sûr, il reste mieux: il reste aujourd'hui. Mais me permettra-t-on tout de même de soupirer après cette petite frimousse ronde encadrée de cheveux courts et d'un toupet? De soupirer et de sourire? Surtout sourire...