26.6.06

«La charrue passe dans le ciel.» Oui, elle est là, juste au-dessus de moi, adoptant sa forme élégante, la même depuis des âges incomtables. Elle n'est pas seule, mais elle attire le regard comme nulle autre. Et pourtant...

Je me souviens...

(Je voulais écrire sans avoir recours au «je», mais ça me paraît impossible ces jours-ci.)

Je me souviens, donc, d'un livre. Dans ce livre, une illustration présentait les étoiles de la Grande Ourse vue d'un autre point de vue. Je suppose que les astronomes peuvent calculer ça sans trop de problème, et voilà qu'on en avait une représentation. Ou plutôt, c'était autre chose, je me souviens mieux à présent, mais ça revient finalement au même: on montrait de quoi auraient l'air les étoiles de la Grande Ourse, vues de la Terre, dans 250 000 ans, par exemple. Et ça n'était qu'un paquet d'étoiles en zigzag, sans lien aucun entre elles. Ce qui est évidemment le cas même au moment où on se parle, sauf qu'à cause d'un judicieux coup de dés à sept faces, il s'avère que, vues d'ici, elles nous font penser à des choses.

Des choses diverses, remarquez, selon que l'on soit d'une culture ou d'une autre, ou de telle ou telle époque distante de quelques centaines ou de quelques milliers d'années. Mais la chose reste fascinante: on a construit des légendes autour de ces étoiles, et les légendes sont habituellement là pour signifier les aspects «éternels» de la vie. Or, voilà que certains parviennent à offrir en pâture à notre esprit la déconstruction de cela même sur quoi nos légendes étaient bâties.

Et voilà qu'il nous faut rebâtir les fondations. Ou un mur d'icelles, à tout le moins. Et cela est bien; mais cela est mystérieux. C'est comme le Big Bang: quand on en entend parler aujourd'hui, à la radio lors d'une émission scientifique par exemple, ou dans les journaux, on dit qu'après le Big Bang, il s'est passé ceci-cela, et que la matière s'est répandue à une vitesse X, donnée à l'aide d'un chiffre avec plein d'exposants. C'est bien, que je me dis, mais ça ne résoud aucune question. On ne parle jamais de la provenance du Big Bang, et c'est pourquoi à mon oeil, parler de cette explosion mystique est absolument égal à raconter comment le Corbeau créa le monde, avec ses plantes et ses autres êtres vivants. (Et au moins, les histoires de Corbeau, c'était en langage que tout le monde pouvait comprendre!)

Même l'air que je respire, condition de toute vie, n'a pas toujours été là. Les choses les plus fondamentales vont et viennent. La fenêtre par laquelle nous regardons le monde est tellement petite... C'est pourquoi nous tentons sans cesse de l'agrandir: nous ouvrons le mur, inventons de nouveaux soutiens qui permettent d'agrandir les fenêtres, construisons des murs de verre. Mais nous sommes toujours dans la maison, et il se peut qu'il faille plutôt, tout simplement, trouver une autre façon de voir. Laquelle? Je n'en sais rien -- à part qu'elle ne doit pas se fier sur le regard des yeux.