25.1.06


Ceux-là glissaient dans le petit matin vancouvérois. Dans le ciel liquide qui baigne la ville ils avançaient sans bruit. Ce matin, les nuages avaient disparu: étonnement. Un grand calme se déposait tranquillement sur la ville, ainsi qu'une vague, devenue mince comme une feuille de papier, s'abandonne à la plage avant d'aller reprendre son souffle. Douceur, oui.

Alors, sous le regard précis du ciel, j'ai vaqué à mes occupations: courriels, corrections, réunions, rédaction. À midi, je suis sorti me baigner de soleil; je suis retourné près de l'eau. Les montagnes enneigées nous tenaient dans leurs bras, et mes pensées encore ont vogué vers ceux d'autrefois. Montaient-ils seulement au somment des montagnes? Si oui, pourquoi? Ou alors demeuraient-ils en bas, et en faisaient des dieux? Oui, des dieux... Un autre soir, quand le printemps aura réchauffé la terre et que je pourrai écrire du balcon, je parlerai des visages qui habitent les montagnes.

Après le boulot, le yoga. On est vancouvérois ou on ne l'est pas! Cette session est plus difficile, nous passons beaucoup de temps en équilibre dans des poses précaires qui demandent de grands efforts aux muscles (aux miens, en tout cas). Mais le calme nous gagne malgré tout, la réalisation d'être ici. Le savoir. Mes muscles endoloris, le retour à la maison a été difficile. Je restais dans les petites vitesses, profitant de l'air du soir. Et soudain, il m'est arrivé une drôle de pensée. Je me suis vu au mauvais endroit, au mauvais moment, roulant tranquillement sur mon vélo en montant la côte Hastings, au moment où un jeune truand écervelé sortirait d'une voiture avec son pistolet. Ce serait une erreur, bien entendu, mais ces choses-là arrivent. Je n'aurais que le temps de me rendre compte de ce qui se passe avant que la balle qui m'avait atteint ne m'achève. Et je me suis dit que peut-être, dans ces cas-là, on reste calme. On n'y peut rien. On a une pensée pour nos amours, on se dit qu'on essaiera de veiller sur eux si vraiment la chose est possible. Et puis la surface de toute chose devient lisse, tellement lisse, et notre âme y passe, à peine remarquable. Il y avait dans cette pensée quelque chose de réconfortant (trouvais-je tout en continuant de monter la côte). Cette image d'une mort anonyme, même si violente, peut-être du fait qu'elle survenait à l'extérieur au lieu de dans une chambre d'hôpital, ne me faisait pas peur. Peut-être parce qu'on ne pouvait pas la voir venir... Ah!

Et puis voilà, rendu à la rue Victoria, le feu rouge, la station-service Shell et les voitures m'ont fait penser à autre chose. Et je suis toujours ici pour parler de la douceur des jours.