10.2.06

J'ai trouvé hier un calendrier du peuple Salish. Lunaire. Treize mois. Un autre monde. Un calendrier qui ne s'occupe pas des astres (à part la lune,bien sûr), mais de la terre -- de la mer aussi. D'environ mai (récolte des algues) à septembre, les mois sont tournés vers la mer. Juin à septembre tirent leurs noms des différents peuples de saumons qui «reviennent à la terre»: rouge, coho, rose, kéta. Et ce n'est qu'entre novembre et décembre qu'arrive le temps de «ranger ses pagaies», le nom du mois d'alors. L'hiver est le temps du repli sur la famille, sur les humains, pourrait-on dire, après tout ce temps à s'occuper de saumons! Le mois des anciens termine l'année et laisse sa place à celui des enfants et de la naissance. Le cycle peut alors recommencer.

Je me demande jusqu'à quel point il serait possible que cette façon de mesurer le temps compte encore des adeptes aujourd'hui. L'hiver, pour les Salish d'aujourd'hui, est-ce encore Centolen? Et sinon, comment ont-ils fait pour parvenir è oublier tout ça? Ou pour mettre ça de côté, plutôt, obligés par la nécessité de s'accorder au rythme des autres? Est-il possible de délaisser sa façon de faire tourner la roue du monde, son langage, sa façon de se nourrir, et de continuer comme si de rien n'était? Je sais, tout ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. Au Québec, je n'avais jamais perçu ce crépuscule de la culture amérindienne de façon aussi intense. Ici, c'est qu'on en sent tout de même encore la présence, même en ville, même si dans la réalité quotidienne on a vu plus souvent les indiens associés à la dope qu'à autre chose. Je raconterai une autre fois celui que j'ai vu se piquer sur le trottoir.

La saison sacrée est sur le point de commencer. Le temps de la purification. Le temps de remettre les canots à l'eau. J'espère qu'il s'en trouve toujours pour suivre, réellement ou métaphoriquement, ce temps d'une année à treize lunes.